vendredi 16 octobre 2015

Belle de jour

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"... Mais sans ça je ne pourrais pas vivre."

La seconde période française de , entamée en 1964 avec Le Journal d'une femme de chambre (voir article) m'a toujours semblé dans l'ensemble moins forte, moins inspirée qu'auparavant. Et pour tout dire, un peu rasoir (sans connotation surréaliste !). L'adaptation de "Belle de jour" publié en 19281 par , admis en 1962 à l'Académie française, n'infirme pas, bien au contraire, cette opinion. Réputé scandaleux au moment de sa parution, le roman ne présente, il est vrai, qu'un intérêt relativement mineur ; les arguments avancés par l'auteur pour en justifier l'écriture2 constituaient d'ailleurs une plaidoirie elle-même assez faible. La duplicité du personnage central, fondée sur un précoce traumatisme psychologique, ne pouvait qu'attirer , lui donnant au passage l'occasion d'écorner une nouvelle fois la morale bourgeoise, de donner libre cours à son goût pour les rêveries fantasmatiques. Et de "profaner" symboliquement, sans doute avec délectation, l'une3 des plus "vertueuses" (immaculée ?) actrices françaises de cette époque (au cours de laquelle couvait déjà des révoltes sociétales).
La dissertation littéraire sur la potentielle rupture entre amour et désir au sein du couple n'intéresse évidemment pas Belle de jour cherche à provoquer en (re)présentant la prostitution, occasionnelle et volontaire (assumée quoique secrète), comme une possible thérapie sexuelle et conjugale. Severine Sérizy n'a, pour cette raison et contrairement à ce que certains ont prétendu, rien d'une héroïne bovarienne. Ce n'est pas à une illusoire ivresse de la passion adultère qu'elle s'abandonne. La jeune femme succombe plutôt à la tentation d'actualiser une commotion éprouvée lorsqu'elle n'était qu'une enfant. Se refusant à un époux médecin (trop) aimant et compréhensif, elle ne peut résister aux inconnus introduits par Mme Anaïs, à leur triviale brusquerie, voire brutalité. Le scénario co-signé par Jean-Claude Carrière se révèle un peu assommant, les personnages volontiers caricaturaux. Ceux d'Henri Husson et d'Anaïs, interprétés par les excellents  et , sont  malheureusement sous-exploités au sein d'une distribution hétéroclite mais distinguée (...). Unique film de  produit par Robert et Raymond HakimBelle de jour4 a obtenu le "Lion d'or" de la 28e Mostra.

N.B. :
- brève et approximative référence à "L'Angélus" de Jean-François Millet au cours du deuxième songe de Séverine.
- l'entrée en scène d'Hyppolite et de Marcel s'accompagne d'un clin d'œil à A bout de souffle de ,
 a donné au film de  une suite, Belle toujours (2006), dans laquelle  a repris son rôle face à  dans celui de Séverine Serizy.
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1. d'abord dans l'hebdomadaire politique et littéraire de droite (i.e nationaliste, xénophobe et anti-communiste) "Gringoire" fondé la même année par Horace de Carbuccia (époux de la productrice de cinéma Adrienne 'Ady' Turpin-Duval).
2. "Ce que j'ai tenté avec 'Belle de jour', c'est de montrer le divorce terrible entre le cœur et la chair, entre un vrai, immense et tendre amour amour et l'exigence implacable des sens. Ce conflit, à quelques rares exceptions près, chaque homme, chaque femme qui aime longtemps, le porte en soi. Il est perçu ou non, il déchire ou il sommeille, mais il existe."
3. co-vedette, avec sa sœur , du très chaste Les Demoiselles de Rochefort, sorti deux mois plus tôt.
4. quatrième film du cinéaste en compétition à Venise après les productions mexicaines Robinson CrusoeEl Río y la muerte (1954) et Simón del desierto, "Prix spécial du jury" en 1965.





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