jeudi 24 septembre 2015

The Man in the White Suit (l'homme au complet blanc)

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"... Capital and labour are hand in hand in this."

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni se retrouve confronté à un dilemme complexe : tenter de faire subsister un glorieux passé qu'il a, par conservatisme et tradition, toujours révéré ou entrer résolument dans la modernité d'un siècle jusque-là bouleversé par deux conflits armés et une sévère crise économique. Si le système politique n'engage alors qu'une évolution mineure*, la résolution de cette contradiction décisive connaît davantage d'implications au niveau des us et coutumes de vie ou des relations sociales, notamment au sein de l'entreprise. Certains films de cette époque ont essayé de traduire cette situation parfois tendue, tel Chance of a Lifetime (1950) de et avec . L'année suivante, Michael Balcon, le patron des Ealing Studios, confie à  le soin d'adapter une pièce encore inédite de l'Ecossais Roger MacDougall (cousin et ami proche de ). Splendide métaphore de cette aporie sociétale, The Man in the White Suit déclenche le rire tout en soulevant d'importantes questions.
La mise en évidence à l'occasion d'une visite et le coût des recherches menées secrètement dans le laboratoire de la filature Corland par le simple employé Sidney Stratton valent à celui-ci son renvoi. L'ingénieur-chimiste de formation a cependant l'opportunité de les poursuivre chez le concurrent Birnley où il est engagé comme manutentionnaire. Stratton synthétise bientôt la substance liquide attendue mais le chef de service découvre l'activité clandestine, élimine son résultat et licencie le fautif. Grâce à l'intervention de Daphne, la fille d'Alan Birnley et fiancée de Michael Corland, Stratton obtient sa réintégration sans salaire afin de faire aboutir son travail moléculaire. Après plusieurs tentatives infructueuses et explosives, il obtient un fil synthétique doté d'une résistance incomparable au moyen duquel un tissu inusable et insalissable est produit.
Avec cette fable manufacturière, le dramaturge Roger MacDougall touchait une corde sensible. L’industrie textile britannique avait en effet été la première concernée par les progrès mécaniques, l'emploi de l'énergie hydraulique provoquant la fin du travail des filateurs à domicile. The Man in the White Suit nous interroge sur le caractère ambivalent du progrès scientifique (en particulier lorsqu'il suscite contre lui, comme ici, l'insolite union du patronat et des représentants ouvriers !) et sur la nocivité des cartels. Sans doute perfectible, le script co-signé par l'auteur avec ** et John Dighton ne manque pas de qualités comiques et dramatiques (soulignées lors de la 25e cérémonie des Academy Awards). Les personnages ou groupes ont vocation à caricaturer toute la sphère économico-politique du pays, des réactionnaires usant de méthodes musclées aux communistes, en passant par les capitalistes éclairés ou non, les libéraux et les individualistes romantiques. Il est d'ailleurs fort possible que  se soit identifié à Sidney Stratton, génial libre penseur victime de l'incompréhension d'une hiérarchie conservatrice. Superbe interprétation d' qui retrouve ici l'étonnante  (incité par le réalisateur à s'inspirer du comportement de Michael 'Mick' Balcon) et  tiennent les principaux seconds rôles. La photographie du talentueux Douglas Slocombe (déjà à l'œuvre pour Kind Hearts and Coronets et The Lavender Hill Mob) mérite enfin toutes nos louanges.
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*une réforme électorale qui permit au conservateur Winston Churchill, malgré un nombre de voix inférieur, de revenir au pouvoir en octobre 1951 après deux gouvernements travaillistes.
**né à Boston de parents écossais immigrés aux Etats-Unis, le scénariste était passé à la réalisation en 1949 avec Whisky Galore! qui connut un succès inattendu. A Hollywood, où il partit en 1955 (année du rachat des Ealing Studios par la B.B.C.) tourna quelques films plutôt moyens à l'exception de Sweet Smell of Success.




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