jeudi 13 août 2015

The Loneliness of the Long Distance Runner (la solitude du coureur de fond)

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"I'm no bleeding guinea pig for anybody!"

Quatre ans avant la France, le cinéma britannique voit se former une "Nouvelle vague" (aussi dénommée "Kitchen Sink Realism") influencée par le documentaire mais également par le courant littéraire (à l'appellation contestée) des "Angry Young Men". A partir du milieu des années 1950, des cinéastes tout juste trentenaires s'intéressent aux pièces et romans de John Osborne, Kingsley Amis, John Braine ou encore Harold Pinter. D'abord producteur-réalisateur pour la télévision,  porte successivement au cinéma l'emblématique Loock Back in Anger (1959) et The Entertainer (1960) d'Osborne1. Il jette aussi son dévolu sur  en produisant Saturday Night and Sunday Morning (1960) du Tchèque  puis en dirigeant la nouvelle The Loneliness of the Long Distance Runner publiée en 1959 et adaptée par l'auteur.
Ce qui est en jeu dans ce drame léger de l'adolescence, c'est la persistance d'une certaine loyauté, notamment de classe, dans une Angleterre-providence où l'incitation à l'économie de la consommation donnait l'illusion d'un nivellement des inégalités sociales. Issu, comme , d'une famille ouvrière de l'industrieuse Nottingham2, Colin Smith (antithèse de sa mère, adultère et matérialiste) résiste à ce leurre sans pour autant résoudre ses propres contradictions sur ce sujet (brûlant un billet de banque puis volant, sans en profiter, la caisse d'une boulangerie industrielle). Sur celui de son engagement à une compétition de cross-country auquel il fait mine de se soumettre, acceptant finalement les préjudices consécutifs à sa défaite contre le représentant d'une école privée plutôt que de laisser le directeur de Ruxton Towers le manipuler jusqu'au b(o)ut et de trahir ainsi ses convictions. Constamment entouré ou accompagné, Smith ne se retrouve véritablement seul que lorsqu'il court, moment propice aux souvenirs (flashbacks), à l'introspection et à la validation de ses options idéalistes.
L'épatante interprétation de , dans son premier film de cinéma, explique au moins en partie la durable estime des cinéphiles pour The Loneliness... La sobriété, la justesse du comédien alors âgé de vingt-cinq ans lui vaudront de succéder à Rita Tushingham3 (Jo[sephine] dans A Taste of Honey4 du même ) au palmarès des BAFTA (catégorie "meilleur espoir dans un rôle principal"), d'être choisi par John Schlesinger pour être son Billy Liar puis de se voir confier le rôle du soldat Arthur Hamp aux côtés de  dans le remarquable King & Country (1964) de . Ses partenaires (parmi lesquels  - le beau-père de  depuis son mariage, en avril 1962, avec Vanessa -  ou ) peinent d'ailleurs à exister. Soulignons enfin la qualité de la photographie du Berlinois de naissance Walter Lassally et de la bande musicale plaisamment décalée composée par John Addison.
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1. avec lequel  venait de fonder la société de production Woodfall Film et adaptera, l'année suivante, Tom Jones d'.
2. une cité en plein cœur du pays, bien loin du "Swinging London", où les héros justiciers sont purement légendaires.
3. l'actrice débutante et  feront partie du casting de l'adaptation de Docteur Zhivago (1965) par .
4. premier film britannique entièrement tourné hors studio.





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