jeudi 23 juillet 2015

Le Dossier noir

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"... Il y a trop de coupables pour un crime dont je ne suis plus sûr."

Empêché par la censure de tourner un film* sur l'affaire Seznec,  opte alors pour une histoire originale. Ecrit avec son complice  (il s'agit de la pénultième de leurs huit collaborations depuis 1946), Le Dossier noir relate l'instruction ouverte par Jacques Arnaud, jeune juge nouvellement affecté à Laucourt suite au décès de son prédécesseur, sur le possible empoisonnement de François Le Guen, un habitant de la commune victime d'une crise cardiaque. Ce dossier criminel provoque assez vite de vives tensions parmi la population puisque Le Guen aurait détenu des preuves de magouilles politiques et financières contre le riche, influent et sanguin entrepreneur de travaux publics également conseiller municipal Boussard et ses comparses. Dès le titre (authentique MacGuffin hitchcockien), le scénario s'évertue à multiplier les pistes possibles, grâce notamment à la forte imbrication des situations, à la collusion (souvent contrainte) ou aux antagonismes entre les personnages. Il insiste aussi sur les difficiles conditions d'exercice de la magistrature provinciale et sur les méthodes parfois peu scrupuleuses (astuces ou pressions psychologiques, faux témoignages) mises en œuvre par la police pour obtenir des aveux.
L'affirmation un peu taquine d' ne trompe personne, Le Dossier noir va au-delà du simple "reportage romanesque sans thèse". Réfléchi, exigent, le cinéma de l'ancien avocat soulève presque toujours des questions fondamentales, en particulier celles connexes de la vérité et du processus d'élaboration de la justice. Il laisse également peu de place au manichéisme au profit de la conviction des opinions, plus intéressante sur le plan narratif. Ses personnages centraux doivent, dans la plupart des cas, faire preuve d'intégrité, de dignité et/ou d'abnégation malgré un environnement humain miné soit par la lâcheté, soit par la complaisance, soit encore par la défaillance physique. Caractéristiques que l'on retrouve ici dans un contexte à la fois pluriel et singulier. Soulignons la convaincante interprétation du comédien  dans son tout premier rôle, principal de surcroit, à l'écran aux côtés de solides et mémorables acteurs (, l'excellent  qui apparaît au bout d'une heure dix de métrage, l'Italienne ...). Produit par Michel Safra (Les Maudits) et le Milanais Angelo Rizzoli (Umberto D.)Le Dossier noir a enfin été le troisième (quatrième si l'on tient compte du collectif Retour à la vie) et dernier film de  en compétition à Cannes.
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*conçu comme le premier volet (instruction judiciaire) d'un triptyque consacré à la justice, produit dans le désordre, dont les deux suivants avaient été Justice est faite (jugement) et Nous sommes tous des assassins (application de la peine). Ironie du sort,  jouera, trente-huit ans plus tard, le commandant Romain dans le téléfilm L'Affaire Seznec tiré de l'ouvrage de Denis Langlois par .




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