vendredi 1 mai 2015

On the Waterfront (sur les quais)

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"... You let your conscience tell you what to do."

Pour des raisons diverses et tout en lui reconnaissant sélectivement de réelles qualités, je n'accorde pas au cinéma d' le crédit qu'on veut bien souvent lui prêter. Placé par certains au pinacle de la carrière du cinéaste (et peut-être même au-delà)On the Waterfront apparaît assez emblématique de cette empirique surévaluation. Il n'est, au demeurant, pas improbable que le thème du film ait eu et continue d'avoir une influence significative sur les opinions formulées à son propos. Un jugement plus rationnel, fondé en priorité sur des considérations narratives et artistiques, tempère l'emballement en question. Inspiré d'une série d'articles1 du journaliste Malcolm Johnson, le scénario écrit par 2 relate le processus rédempteur engagé par Terry Malloy, ancien boxeur professionnel lié à une organisation mafieuse contrôlant un syndicat local de débardeurs. Laquelle n'hésite pas à éliminer ceux parmi les affiliés contraints qui seraient tentés de dénoncer ses pratiques illégales, voire criminelles.
Mépris et reconnaissance (à plusieurs sens du terme), lâcheté et sacrifice se trouvent étroitement associés au cœur de ce récit aux vagues accents cornéliens (Edie Doyle, la sœur de l'ouvrier assassiné au début du métrage, et Malloy, complice des meurtriers, vont s'éprendre l'un de l'autre). Ils sont ici, et c'est un curieux paradoxe, abordés de manière soit inutilement appuyée, soit trop diffuse. La tension dramatique reste aussi relativement ténue sans que l'on sache si cette caractéristique résulte d'une volonté délibérée du réalisateur ou d'une défaillance opérative. Une interrogation également parfois pertinente concernant les choix de mise en scène, en particulier de composition de l'image3. Louée comme l'un des atouts majeurs du film, la "performance" de son omniprésent acteur principal4 me paraît cependant sensiblement atténuée par la justesse, la délicatesse de l'interprétation d'Eva Marie Saint5 dans son tout premier rôle au cinéma. Soulignons enfin les convaincantes prestations de  et de .

N.B. :
. la bande originale du film est la première des deux composées pour le cinéma par Leonard Bernstein.
On the Waterfront a reçu l'un des quatre "Lion d'argent"6 de la réalisation décernés lors de la 15e Mostra.
. récompensé en 1955 par quatre "Golden Globes" et par huit "Oscars" (sur douze nominations) dont meilleurs film, réalisateur, scénario, acteur principal et actrice de soutien.
. entré en 1989 au National Film Registry.
. le film a fait l'objet de deux remakes indiens en 1988 et 1998.
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1. "Crime on the Waterfront" paru dans le quotidien new-yorkais "The Sun" (sur le point d'arrêter sa publication) qui valut à Johnson le "Prix Pulitzer" du reportage local 1949.
2. le fils aîné du patron de la Paramount des 30's est notamment aussi l'auteur de The Harder They Fall (1956) et le scénariste de A Face in the Crowd (1957) du même Arthur Miller avait signé, sur des bases identiques, un premier traitement intitulé "The Hook" refusé par les studios.
3. photographiée par le natif russe Boris Kaufman, collaborateur de  à deux autres reprises : Baby Doll (1956) et Splendor in the Grass (1961).
4. troisième et dernier film de  dirigé par  après A Streetcar Named Desire (1951) (déjà titulaire au théâtre du rôle de Stanley Kowalski dans la pièce de ) et le  Viva Zapata! (1952). L'acteur avait d'abord refusé (sans lire le script) d'être Terry Malloy (écrit pour John Garfield, décédé en mai 1952) avant de revenir sur sa décision, mis en concurrence avec un jeune et quasi débutant nommé... Paul Newman (partenaire d'Eva Marie Saint dans Exodus, six ans plus tard). Dans l'intervalle, le rôle avait été accepté par Frank Sinatra.
5. préférée à Elizabeth MontgomeryGrace Kelly avait initialement décliné la proposition de Sam Spiegel (The Bridge on the River KwaiLawrence of Arabia), producteur pour la Columbia.
6. avec Sanshô dayû de Kenji MizoguchiShichinin no samurai d'Akira Kurosawa et La Strada de Federico Fellini qui, au moins dans ce domaine, me semblent plus aboutis.







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