mercredi 6 mai 2015

Le Journal d'une femme de chambre

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"... Un vrai patriote, pas vrai ? Hein ! Ah ! A moins que ce soit une canaille."

 entame avec cette adaptation du roman d'Octave Mirbeau1 la seconde période française de sa carrière2. Elle marque aussi le début de sa collaboration avec le producteur Serge Silberman3 mais aussi avec le scénariste . Le script de cette troisième version s'autorise de nombreuses libertés vis-à-vis de l'œuvre originale4. La plus évidente étant de différer le récit de 1900 à la fin des années 1920, période au cours de laquelle  avait tourné à Paris ses deux premiers films5. Le point de vue d'une domestique libre et élégante sur des représentants de l'étriquée bourgeoisie provinciale de cette époque constituait un matériau narratif initial apte à stimuler le cinéaste. De surcroit s'il procède de l'imagination d'un auteur anarchiste, libertaire et athée.
Le Journal d'une femme de chambre s'avère toutefois décevant. L'absence de toute nuance (ne parlons même pas de subtilité !), l'évidence de stupides incohérences scénaristiques, la profonde inanité des dialogues le compromettent en effet assez radicalement. La description des pulsions libidinales non assouvies et/ou criminelles, celle des nationalistes racistes de l'entre-deux-guerres n'évitent pas la caricature. L'absurdité de la petite enquête menée par Célestine, élucidée au moyen d'un sacrifice corporel, pour confondre le meurtrier de la petite Claire n'échappe en outre à personne. Peu à peu, une conviction se forge et s'impose :  ne trouve pas le registre adéquat pour parvenir à s'approprier ce drame social. Remarquée (notamment pour sa démarche) dans Ascenseur pour l'échafaud (1958)6 fonde quasiment à elle seule l'intérêt d'un film bien inférieur au remarquable The Diary of a Chambermaid7 (1946) de  avec  dans le rôle-titre (voir article).
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1. paru en feuilleton dans le quotidien "L'Echo de Paris" entre octobre 1891 et avril 1892 puis édité en juillet 1900.
2. à l'intérieur de laquelle s'intercalent néanmoins le court métrage mexicain Simón del desierto (1965) et le drame espagnol Tristana (1970) tiré de l'ouvrage de Benito Pérez Galdós (auteur également de Nazarín et inspirateur de Viridiana).
3. associé ici pour la quatrième fois à Michel Safra.
4. pour une revue complète des différences, voir le tableau du ciné-club de Caen.
5. un choix sans doute motivé par "l'hommage" rendu à la fin du métrage au préfet de police (avril 1927-février 1934) Jean Chiappe qui avait interdit de diffusion et saisi L'Age d'or (1930), le deuxième film de .
6. sa première rencontre à l'écran avec  (la seconde se fera dans Le Paltoquet réalisé en 1986 par ) ne convainc hélas pas.
7. deuxième adaptation du roman si l'on tient compte de celle, muette et méconnue, produite en 1916 dans la Russie tsariste. La dernière en date étant la version franco-belge de Benoît Jacquot avec Léa Seydoux présentée à la dernière Berlinale et sortie au début du mois dernier.







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