jeudi 25 décembre 2014

Tales of Manhattan (six destins)

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"Rabbit's foot?"

Au faîte de sa notorité à la fin des années 1930,  est invité à Hollywood par la MGM. Après avoir participé au tournage du drame historique Marie Antoinette de , il réalise une biographie du compositeur autrichien Johann Strauss fils, The Great Waltz. L'entrée en guerre et l'occupation allemande l'incitent à y retourner. Produit par Alexander Korda dirige  d'abord une seconde version de son Carnet de bal, récompensé à Venise, puis ce Tales of Manhattan pour la Fox. Ecrite par un cercle d'une douzaine de scénaristes (parmi lesquels Ben Hecht et Buster Keaton, non crédité), cette comédie1 parfois teintée de gravité suit un fil conducteur tissé sous la forme d'un habit de cérémonie au départ acquis par un comédien épris d'une femme mariée. Quoique endommagé, le frac va ensuite successivement traverser en les influençant d'autres existences (celles d'un séducteur invétéré sur le point de se marier, d'un compositeur ignoré, d'un ancien avocat tombé dans la misère, d'un curieux défenseur de la tempérance, d'un bandit), cheyant au final dans une bien démunie communauté afro-américaine.
Inégal comme la plupart des longs métrages segmentés, Tales of Manhattan dispose cependant d'un argument a priori plutôt persuasif : la distinction de son casting. Pouvoir réunir 2 (dans son ultime rôle au cinéma)3 ainsi que plusieurs solides acteurs, ici dans des rôles secondaires, tels  ou  constitue un atout déterminant. Ce film supervisé pour le studio par Sam Spiegel (surtout connu pour ses contributions de la décennie suivante) et Boris Morros4 ne susciterait pourtant qu'un intérêt de sympathie si les incomparables  et  ne lui apportaient, avec une aisance stupéfiante, relief et profondeur, inestimables attributs qui rendent un récit réellement attachant.
L'aptitude de  à se plier aux exigences (le plus souvent aseptisantes) d'une production hollywoodienne tout en réussissant à lui imprimer sa "patte" artistico-thématique est assez frappante. Adroitement secondé par le cinématographe  (régulier collaborateur de ), le cinéaste français réalise avec Tales of Manhattan le meilleur des quatre films de sa période étasunienne (1941-1944).





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1. clairement inspirée par le conte "Historia de un frac" (1930) du romancier mexicain Francisco Rojas González.
2. deux face à face inédits.
3. le segment dans lequel W.C. Fields illustre, à la demande de Margaret Dumont, les dangers de l'alcool avait été coupé lors de l'exploitation du film en 1942. Cette partie, indéniablement la plus faible, crée aussi une déplaisante rupture narrative. Elle a été réinsérée par les éditeurs vidéo.
4. compositeur et chef d'orchestre natif de Russie.









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