lundi 17 novembre 2014

King & Country (pour l'exemple)

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"... Life, to be sure, is nothing much to lose; But young men think it is, and we were young.” (A.E. Housman1)

Que faire après un chef-d'œuvre ? Une autre pièce maîtresse ! Telle a été la méthode implicitement suivie, au milieu des années 1960, par Succédant à l'ambitieux et très remarquable The Servant (premier des huit films - presque consécutifs - produits avec Norman Priggen), le cinéaste étasunien exilé depuis plus de dix ans en Grande-Bretagne décide d'adapter2 la pièce "Hamp"3 récemment montée à Edimbourg par . Ecrit avec 4 (et la collaboration de Dirk Bogarde), le scénario dense et concis de King & Country soulève donc, derrière cette formule patriotique, la question complexe de la désertion. Un thème développé (sur un mode collectif), sept ans plus tôt, dans l'excellent Paths of Glory par le génial . Cet unique film de guerre (à vocation plus intellectuelle que recréative) de  ne souffre pourtant pas de la comparaison.
La situation initiale est assez simple : le capitaine Hargreaves de l'armée britannique, positionnée à Passchendaele(Belgique) en 1917, doit plaider en cour martiale de campagne la cause du soldat Arthur James Hamp ayant quitté son régiment pendant environ vingt-quatre heures avant d'être interpellé. Le contexte et les développements sont en revanche plus problématiques. Casernée dans des ruines fréquentées par les rats, pataugeant sans cesse dans la boue, la troupe a bien du mal à rester vaillante. Engagé volontaire soumis aux combats depuis trois ans, témoin de la mort violente de ses camarades, Hamp voulait, de son propre aveu, tenter d'oublier un peu les canonnades incessantes. Humanité, horreurs de la guerre et devoir militaire rempli loin du pays se révélaient souvent difficilement conciliables au cours de la Première Guerre mondiale. Une dramatique quadrature du cercle illustrée avec réalisme (caractère renforcé par les photographies d'archives incorporées au métrage) et empathie par King & Country.
On peut, par ailleurs, s'interroger sur les raisons qui ont poussé  à débuter son film sur des vues du Royal Artillery Memorial édifié à Hyde Park Corner (Londres). S'agit-il de rappeler que derrière cette héroïsme de façade se cache une réalité moins glorieuse ? De souligner la forme de déshumanisation de l'individu qu'expriment ces massives représentations inorganiques ? A la fois sobre et inventive, la réalisation de , mise en valeur par la photographie de Denys N. Coopet par le montage de Reginald Mills, contribue efficacement à la dramaturgie de la narration. La seule rencontre à l'écran de  et 7, entourés entre autres de l'Australien , de  et de , accentue plus encore l'intérêt de King & Country.
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1. dont le poème, cité dans le film, débute par : "Here dead lie we because we did not choose To live and shame the land from which we sprung..."
2. en dix-huit jours avec un budget dérisoire (cent mille livres sterling).
3. inspirée par l'un des chapitres du roman "Return to the Wood" (1955) de J.L. Hodson.
4. déjà co-adaptateur d'Eva, de The Damned puis de Modesty Blaise.
5. référence à la troisième bataille d'Ypres aussi dénommée deuxième bataille des Flandres.
6. collaborateur notamment de Carol Reed, de Stanley Kubrick et de John Schlesinger.
7. titulaire du rôle-titre dans le récent Billy Liar, personnage principal de The Loneliness of the Long Distance Runner et secondaire de Doctor Zhivago. Le comédien reçut pour son interprétation du soldat Hamp (sa quatrième pour le cinéma) la "Coppa Volpi" de la 25e Mostra.



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