vendredi 28 novembre 2014

Barton Fink

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"I gotta tell you, the life of the mind... There's no roadmap for that territory... And exploring it can be painful."

Sans doute le plus intéressant, maitrisé des cinq films produits par  et  au cours de la décennie 1990, Barton Fink se singularise par son caractère énigmatique, voire fantastique. Entre symbolisme et méta-physique, ce drame littéraire aux fugaces accents comiques nous entraine, sans garde-fou, dans les méandres psychologiques (psychotiques ?) d'un jeune auteur de pièce de théâtre amené à rédiger un scénario pour un film hollywoodien de série B. A partir de bien concrets éléments biographiques1, les frères  élaborent une insoupçonnée descente virtuelle et solitaire aux enfers de la création. Ils s'amusent, au passage, à souligner le vieil antagonisme artistico-culturel entre Broadway et Hollywood (écriture à ambition/prétention sociale ou divertissement), à singer avec une certaine vraisemblance le comportement des producteurs de cinéma du début des années 1940 (et, plausiblement, des générations suivantes !).
Le contraste narratif entre panne d'inspiration et construction non contrôlée d'un récit fantasmagorique d'altération autour du personnage central constitue en soi une trouvaille assez géniale. Les éléments inexpliqués, sibyllins qui le jalonnent y occupent une place significative. La richesse évocatrice du film est aussi considérable, notamment à travers la subtile dichotomie opérée entre imaginaire (ou illusion) et réalité, entre mondes souterrain (aux deux sens du vocable) et terrestre. Je relève, sans le développer, le concept de "vie de l'esprit", thématique d'un ouvrage posthume (1978-1981) en deux parties de la philosophe Hannah Arendt2Barton Fink en tient lieu d'explicite et saisissante illustration romanesque.
Premier des deux films3 co-produits par les  avec Graham Place4Barton Fink s'impose également grâce aux interprétations des deux John,  et  (nommé aux Golden Globes), solidement soutenus par l'Australienne  (remarquée chez )5Jon Polito6 et Steve BuscemiRoger Deakins reprend sans pâlir le flambeau laissé par Barry Sonnenfeld (qui fait, d'ailleurs, une brève apparition dans le métrage). Le quatrième opus des  a enfin retenu l'attention en obtenant, malgré une compétition relevée, trois des principales récompenses7 du 44e Festival de Cannes, incitant le délégué général (et futur président) Gilles Jacob à prévenir pour les éditions suivantes une telle concentration de prix.
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1. Barton Fink s'inspire très librement du dramaturge d'origine russe Clifford Odets, ancien apprenti comédien proche de Lee Strasberg, surtout actif au cours des années 1930-40 avant d'être blacklisté.
2. "théoriste politique" selon sa propre définition. L'élève du phénoménologue Martin Heidegger souligne dans son livre les différences essentielles entre pensée et connaissance, vérité et signification, volonté et jugement.
3. avec le suivant, The Hudsucker ProxyBarton Fink est aussi le premier film des  financé par l'ancienne structure indépendante britannique Working Title Films, entrée cette année-là dans le giron du groupe PolyGram et, depuis lors, fidèle partenaire des frangins.
4. régulier complice de Barry Sonnenfeld.
5. nommé aux Academy Awards. Le rôle de Jack Lipnick avait initialement été refusé par John Milius.
6. qui avait d'abord décliné le rôle de Lou Breeze parce qu'il voulait tenir celui de Jack Lipnick. Frances McDormand, l'épouse de Joel Coen, l'a finalement convaincu de revenir sur sa décision.
7. "Palme d'or" (à l'unanimité du jury présidé par ), meilleurs réalisateur et acteur principal.  obtiendra l'année suivante la "Caméra d'or" pour le drame familial Mac.




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