samedi 6 octobre 2012

Etudes sur Paris


 - film - 30237_4Loué par son ami Jean Renoir et par Jean Vigo, Etudes sur Paris faisait jusque récemment (notamment le cycle consacré à son auteur par la Cinémathèque française en novembre 2006) partie de ces productions méconnues et pourtant admirables. Avec ce remarquable documentaire, le cinéaste, écrivain et artiste-peintre André Sauvage empruntait, tout en le renouvelant, le mode d'expression cinématographique conçu à la fin du siècle passé par les frères Lumière. Précédé par l'avant-gardiste Rien que les heures du Brésilien de naissance Alberto Cavalcanti, le film n'est pas seulement une exploration apparemment improvisée de la capitale et de quelques uns de ses faubourgs. Sauvage y faisait (quasiment ?) œuvre d'ethnométhodologiste avant l'heure, de surcroit au crépuscule d'une époque à la fois insouciante et bouleversée, les Années folles.
 - film - 30237_9De la Seine et ses canaux au Quartier Latin(1), André Sauvage dresse un formidable, et aujourd'hui nostalgique, panorama d'un Paris révolu et néanmoins, ici ou là, reconnaissable. Secteurs, sites, monuments mais aussi et surtout animation humaine, au travers d'activités quotidiennes, récréatives, insolites ou industrieuses, se succèdent selon un agencement étrange quoique dans l'ensemble cohérent. De la périphérie au centre (et inversement), des voies fluviales à leurs rives gauche, droite et retour, Etudes sur Paris met, a postériori, en évidence les profondes transformations urbaines apportées à la Ville-lumière(2) mais aussi ses éléments constitutifs demeurés immuables. Une décennie au cours de laquelle cohabitaient encore automobiles et véhicules à traction animale(3), où culmina la densité démographique, provoquant le développement un peu anarchique des banlieues.
 - film - 30237_16Difficile de rester insensible aux qualités (photo)graphiques du film, à sa poésie implicite, au sens aiguisé de l'observation (une des significations du vocable "étude") d'André Sauvage. Le choix des angles et des points de vues, le dynamisme d'une narration renforcé par le caractère percutant du montage et par l'intelligence de la continuité participent à une vivacité assez inusitée pour un documentaire presque séculaire, lequel provoque chez le spectateur(4) une certaine forme d'allégresse. Plus fugitive et hachée, la dernière partie désappointe cependant un peu. L'association contrastée et originale avec les compositions techno de Jeff Mills(5) fonctionne étonnamment bien ; les partisans du classicisme lui préfèreront sans doute l'accompagnement du Quatuor (de chambre clermontois) Prima Vista. Notoire ou (à nouveau) ignoré, Etudes sur Paris ne cessera d'être une œuvre immarcescible(6).
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1. en cinq parties : Paris-Port - Nord-Sud - Petite ceinture - Les Iles de Paris - De la Tour Saint-Jacques à la Montagne Sainte-Geneviève.
2. victime régulière de crues de la Seine et organisatrice en 1924 des 8e Jeux olympiques d'été de l'ère moderne.
3. installation, en 1928, du premier système de feux aux carrefours afin de réduire les accidents de la circulation (50 000 recensés à Paris en 1919, dont 34 000 impliquant les engins motorisés).
4. en particulier s'il est Parisien de naissance, d'adoption et/ou de cœur !
5. auteur d'une nouvelle bande musicale à l'occasion de la reprise en 2000 du Metropolis de Fritz Lang.
6. comme le sont celles, artistiquement proches, des photographes Jacques-Henri Lartigue, Andor 'André' Kertész, Gyula Halász dit Brassaï, Robert Doisneau, Henri Cartier-Bresson ou Marc Riboud.

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