mardi 18 septembre 2012

Sahib Bibi Aur Ghulam (le maître, la maîtresse et l'esclave)


"... Comment pourrais-je le servir ?"

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En 1959, le cinglant échec de Kaagaz Ke Phool, drame dans lequel Guru Dutt s'était beaucoup investi, pousse le cinéaste à reconsidérer son rôle. Cantonné désormais à celui de producteur et/ou d'acteur, il pousse Abrar Alvi, régulier collaborateur au scénario depuis Aar-Paar, à diriger son premier (et unique) film. Adaptation du très populaire roman(1) signé par l'écrivain bengali Bimal Mitra, Sahib Bibi Aur Ghulam réunit à nouveau le trio Waheeda Rehman-Rehman-Dutt associé cette fois à la "Reine de la tragédie" et poétesse Meena Kumari(2), devenue célèbre à vingt ans grâce à sa remarquable prestation dans Baiju Bawra de Vijay Bhatt. Disposant de solides arguments, le pénultième film produit par Dutt connut, après une sélection en compétition lors de la 13e Berlinale, un très favorable accueil critique et public.
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Resté seul sur le site du chantier d'un palais en ruine, le contremaitre croit entendre la voix chantée d'une femme. Puis, au milieu des décombres de l'étage, l'accueil que lui avait réservé, dans ce lieu, Chhoti Bahu. Il se remémore alors le splendide et vaste havelî au moment de son arrivée à Calcutta, plusieurs années auparavant, en provenance du village de Fatehpur. Reçu et logé par son beau-frère, le précepteur désœuvré des enfants du riche Manjhle Babu surnommé 'Petit Maître' par ses serviteurs, Bhootnath avait aussi obtenu grâce à lui un emploi auprès de Suvinay, petit entrepreneur du vermillon Mohini. Responsable involontaire du renvoi du cuisinier brahmane, il ressentait alors plus vivement les régulières railleries de Jaba, la fille de son patron. Le lendemain, Bansi, le valet personnel de Manjhle qui délaisse son épouse pour se rendre chaque soir chez la prostituée Chunni Dasi, prévient discrètement Bhootnath que sa maîtresse souhaite le recevoir cette nuit même dans ses appartements.
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Quatrième film proposé par l'Inde pour concourir à l'"Oscar" du film étranger, Sahib Bibi Aur Ghulam se singularise du classique mélodrame musical par plusieurs aspects. D'abord par son contexte, celui de la décadence du système féodal des zamindars à l'époque du râj (domination britannique du sous-continent indien). Le scénario illustre d'ailleurs l'influence occidentale et met en scène quelques actions violentes de résistance. Ensuite, par la place significative occupée par les castes autour desquelles s'organisent et qui conditionnent la vie sociale et quotidienne. Ce drame repose, enfin, sur un élément narratif traditionnel mais déterminant : la dévotion idéaliste(3) de la femme à l'égard de son époux(4). C'est, en l'occurrence, avec la mystérieuse évocation de cette figure emblématique que s'ouvre le film, laquelle n'apparaitra réellement à l'écran qu'au bout de trois quarts d'heure du métrage. La production réussit très adroitement à transposer à l'écran les dialectiques littéraires vertu-perversion et innocence-débauche. Le récit sait également surprendre(5) ou amuser. Soutenus par un casting presque sans faille(6), Guru Dutt, Waheeda Rehman et Meena Kumari offrent de solides interprétations, raffinées et contrastées.
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1. déjà porté à l'écran en 1956 par Kartick Chattopadhyay.
2. seule nommée, pour trois productions distinctes, dans la catégorie "meilleure actrice" et récompensée pour son interprétation de Chhoti Bahu lors de la 10e cérémonie de prix organisée par le magazine indien "Filmfare".
3. ou improbable ?
4. y compris lorsque son identité ne lui est pas connue !
5. par exemple avec les scènes de noces de chats ou de trempage d'orteil.
6. à l'exception de l'interprète moins convaincante de Chunni Dasi.

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