mercredi 27 juin 2012

Angst (schizophrenia)


"Ca allait trop vite. Tout aurait dû se dérouler de façon différente. Beaucoup plus dramatique."

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Si l'on ne devait citer qu'une seule représentation de la folie meurtrière au cinéma, il faudrait assurément désigner Angst (littér. "peur"), figuration sans doute la plus saisissante et "aboutie" de ce grave dérèglement mental. Les tueurs en série, psychopathes et autres fendus de lames en giallo et slasher mineurs ou majeurs n'y manquent pourtant pas depuis près d'un demi-siècle. Le second film et unique long métrage de fiction(1) de l'Autrichien Gerald Kargl(2), quelque part à la croisée du drame psychologique et de la production crimin-horrifique, demeure néanmoins dans les annales en raison de sa profonde singularité, de la frénétique violence mise en scène (lui ayant d'ailleurs valu à l'époque en France l'une des dernières classifications X). Mais aussi et surtout de la combinaison de plusieurs autres facteurs parmi lesquels la vigoureuse et névrotique composition de son compatriote Erwin Leder (interprète, deux ans auparavant, du chef-mécanicien surnommé 'le Fantôme' dans Das Boot).
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Un individu est libéré, à midi sonnante, de la prison où il a purgé dix ans de réclusion pour l'assassinat d'une vieille femme, laquelle faisait suite aux quatre années de détention pour la tentative de meurtre de sa propre mère. Une fois dans la rue, l'homme sait déjà qu'il va très vite récidiver. Deux jeunes femmes maquillées, assises au comptoir de la brasserie d'une station-service où il s'est arrêté pour dévorer une saucisse, pourraient constituer de bien excitantes victimes. Mais il ne souhaite pas les aborder dans cet endroit et diffère son projet. Il monte alors à bord d'un taxi conduit par une femme. Juste avant qu'il ne l'étrangle avec son lacet, celle-ci inquiète freine brutalement, provoquant la fuite à travers bois du dangereux passager. En chemin, ce dernier repère une vaste demeure dissimulée et apparemment déserte. Après en avoir fait le tour, il brise une vitre et y pénètre. A l'intérieur, un homme un peu demeuré en fauteuil roulant l'appelle "Papa". Il est bientôt rejoint par sa mère et sa jeune sœur Silvia de retour de courses. L'intrus, muni d'un couteau de cuisine, a eu le temps de se cacher à l'étage. La découverte par la mère des dégâts de l'effraction le pousse à vouloir s'enfuir, mais la porte est close. Il renverse la chaise du handicapé, attache à la poignée d'une porte la jambe de la jeune femme puis ses mains derrière le dos. Il essaie ensuite d'étrangler la vieille dame qui lui oppose une brève résistance.
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"J'avais peur de moi-même." Dès les premiers instants dans la cellule du détenu(3), nous pénétrons dans les pensées, mélange de souvenirs et d'impulsives émotions, du personnage central. Le sentiment d'un désastre en devenir nous assaille précocement. En serons-nous de simples témoins ou ses muets complices ? Au fur et à mesure que son imminence croît se dévoilent aussi peu à peu les contours et plausibles éléments de causalité de la déviance psychique à l'origine de sa perpétration. Une démarche scénaristique somme toute assez classique, voire conventionnelle. Pourtant le film de Gerald Kargl ne ressemble à aucun autre(4). Outre la prestation déjà évoquée d'Erwin Leder au milieu d'acteurs occasionnels, les contributions du Polonais Zbigniew Rybczynski(5), co-scénariste, chef-opérateur et monteur, et du compositeur Klaus Schulze(6) à son caractère déroutant, mécanique et enfiévré sont particulièrement significatives. Enfin, malgré ses presque trente ans d'âge, Angst demeure terriblement pertinent et impressionnant ; à déconseiller donc aux âmes trop sensibles.
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1. quoique inspiré du triple assassinat commis à Salzbourg en 1980 par Werner Kniesek. La narration du script contient également des propos du tueur Peter Kürten alias 'le Vampire de Düsseldorf'.
2. reconverti depuis dans la publicité, les documentaires et... les films éducatifs !
3. cette logique de la narration est évidemment contrariée par le prologue additionnel.
4. sur un thème, celui de la peur, très fassbindérien, pas même au Funny Games d'Haneke parfois évoqué. Une proximité symbolique avec le Peeping Tom de Michael Powell peut néanmoins être soulevée.
5. plus connu pour ses courts métrages d'animation et clips vidéo.
6. percussionniste du groupe allemand Tangerine Dream à partir de 1969.

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