jeudi 31 mai 2012

Nightfall


"I used to ask myself the same question: why me?"

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Sixième et ultime authentique polar (parmi lesquels Out of the Past et deux Nick Carter) réalisé par Jacques Tourneur, Nightfall apparaît néanmoins un peu atypique pour le genre. Tiré assez librement du roman éponyme(1) de David Goodis(2) par l'ancien publicitaire Stirling Silliphant (troisième scénario pour le cinéma du futur adaptateur oscarisé d'In the Heat of the Night), ce drame centré autour d'un faux coupable abandonne la forte dimension psychologique du récit originel sans délaisser quelques uns des thèmes récurrents de l'auteur (victime du destin, solitude, quête de l'amour idéal et rédempteur). L'emploi et le jeu d'Aldo Ray, que l'on avait plutôt l'habitude de voir en uniforme, en particulier dans l'excellent Men in War sorti deux mois plus tard, associé ici à Anne Bancroft(3) constituent l'un des atouts significatifs de cette solide production indépendante.
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Abordé brièvement par un inconnu sur Hollywood Boulevard, James 'Jim' Vanning entre ensuite dans un restaurant et s'installe au bar. La jeune femme assise à sa gauche, Marie Gardner, obtient sans trop insister qu'il lui prête cinq dollars pour régler sa consommation ; il l'invite à dîner. Arrivé chez lui, l'interlocuteur de Vanning, enquêteur pour une compagnie d'assurance, retrouve son épouse. Ben Fraser évoque la faible progression de son investigation à l'égard de ce singulier suspect. A sa sortie du restaurant en compagnie de Marie qui a accepté de le revoir le lendemain, Vanning est contraint de suivre deux individus qu'il connaît, à sa recherche depuis plusieurs mois. Emmené en voiture dans un lieu isolé, il subit passivement les menaces, la brutalité physique exercées par John et l'expéditif Red afin de lui faire avouer la cachette des trois cent cinquante mille dollars qu'ils comptent bien récupérer. Vanning se souvient alors des circonstances de leur rencontre. Parti chasser en hiver dans le Wyoming avec son ami Edward 'Doc' Gurston, ce dernier et lui leur avaient porté assistance à la suite d'une sortie de route. En fuite après un braquage de banque, les deux malfrats avaient froidement abattu 'Doc' puis étaient partis à bord de son véhicule, en emportant par erreur sa sacoche de celui-ci à la place de celle contenant le butin, laissant Vanning pour mort.
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La chanson-titre, sucrée et romantique, trahit d'emblée les intentions un peu dissonantes de ce polar produit par Ted Richmond (promoteur, entre autres, d'une comédie de Douglas Sirk ou de l'hétéroclite Soleil rouge). Ni thriller hitchcockien, ni film de gangsters complexe ou incisif, Nightfall réussit à séduire grâce à sa relative simplicité narrative, faisant appel à trois flashback, fort bien traduite par les compositions des acteurs principaux. Le costaud Aldo Ray incarne avec naturel un sympathique anti-héros goodisien aux côtés de l'aimable Anne Bancroft dans le rôle d'un mannequin de couture plutôt désabusée à l'égard de la gent masculine. Une intrigue secondaire assez inutile et les quelques maladresses dans la réalisation ne parviennent pas à bémoliser l'impression favorable appuyée par les prestation de James Gregory (The Manchurian Candidate), Brian Keith (Fourteen Hours) et d'un Rudy Bond(4) en brute épaisse et fantasque.
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1. paru en 1947, également sous deux titres alternatifs ("Convicted" et "The Dark Chase") ; en France, "La Nuit tombe" fut édité dans l'éphémère "Série blême" de Gallimard.
2. auteur notamment de Dark Passage, porté à l'écran dix ans plus tôt par Delmer Daves pour la Warner.
3. sur le point d'interrompre provisoirement sa carrière, relancée avec succès grâce à son interprétation dans The Miracle Worker.
4. titulaire du personnage de Moose (site dans le film où le magot a été laissé) dans On the Waterfront et d'un petit rôle dans The Godfather.

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