mardi 21 février 2012

Ramrod (femme de feu)


"... I want to see who is right."

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Absent des plateaux depuis le tournage, trois ans plus tôt, du film-noir Dark Waters, André De Toth se remet en selle en dirigeant le premier des onze westerns qu'il sera amené à réaliser. Pénultième film produit par l'ancien distributeur Harry Sherman à partir d'un récit de Luke Short (auteur notamment des romans à l'origine d'Albuquerque, de Station West ou de Blood on the Moon), Ramrod se révèle être un peu atypique dans le genre, fondé en particulier sur une intrigue ouvertement compulsive menée à la baguette (explication au second degré du titre original ?) par un personnage féminin. Habituée aux polars, Veronica Lake(1) transpose presque naturellement le modèle de la femme fatale dans l'unique western de sa carrière. Retrouvant, pour cette seconde occasion, Joel McCrea, son partenaire du Sullivan's Travels de Preston Sturges.
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Propriétaire d'un nouveau ranch où il compte élever des moutons, Walt Shipley, accompagnée de sa fiancée Connie Dickason et de Dave Nash, se rend en ville pour prendre la diligence. Mais il en est empêché par son rival Frank Ivey et, humilié, préfère quitter la région en abandonnant le "Circle 66" à Connie. Bien décidée à prendre son autonomie à l'égard de son père Ben qui souhaiterait la marier au riche Ivey, la séduisante et combattive jeune femme convainc Nash d'accepter le poste d'intendant. Celui-ci se charge d'engager son individualiste ami Bill Schell ainsi que trois autres recrues. Mais lorsqu'ils arrivent au ranch le lendemain, l'incendie allumé par les hommes dIvey en l'absence de Connie finissent de le consumer. Nash a l'idée de s'approprier, arme à la main, une maison où trois employés d'Ivey dont son contremaître Ed Burma étaient hébergés. Les représailles ne tardent pas : pour décourager la main-d'œuvre de Connie, Curley est rossé à mort par Virg.
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Western "à l'ancienne"(2), Ramrod surprend d'emblée par l'imprécision initiale des rôles et des enjeux. S'il est clair qu'une double rivalité oppose Shipley à Ivey, celui-là disparaît dès après l'entame en forme de long prologue, perturbant avec astuce dans un premier temps le spectateur. Comment alors croire que l'apparemment trivial (et veuf authentique) Nash, à la coriace réputation d'ivrogne, puisse s'imposer comme l'acteur principal et arbitre des événements ? En réalité, la presque totalité de cette gent masculine (aux postures assez classiques) est soumise aux visées manipulatoires de Connie(3), fausse innocente et véritable séductrice (corruptrice). La singularité narrative est d'ailleurs portée par les deux seuls personnages significatifs qui échappent, au moins provisoirement, à son influence : le shérif Jim Crew (interprété par le Britannique Donald Crisp, second rôle oscarisé de How Green Was My Valley), dangereusement poussé à sortir de sa légitime neutralité, et la couturière Rose Leland (Arleen Whelan - Young Mr. Lincoln), figure inversée de l'éleveuse sans scrupule. Efficace, parfois inspirée, la direction d'André De Toth dénoue fort bien ce scénario à rebondissements successifs signé notamment par C. Graham Baker et Jack Moffitt. Russell Harlan, avant qu'il n'accède à une plus grande notoriété grâce à The Big Sky, seconde en outre le réalisateur d'origine austro-hongroise et contribue à la particularité du film, notamment lors des séquences tournées au Zion National Park (Springdale, Utah). Intéressantes prestations, à noter enfin, de Don DeFore et Preston Foster.
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1. deuxième épouse de De Toth depuis fin 1944.
2. au sens élogieux de l'expression.
3. aux explicites racines sémantiques : duper, gouverner.

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