mercredi 19 octobre 2011

La Red (le filet)


"... Hay que haber lio."

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Sans être le plus connu ni le meilleur des films d'Emilio Fernández, La Red occupe une place particulière, significative dans la production du cinéaste mexicain. D'abord en raison de sa proximité avec la toute première réalisation de celui que l'on surnommait "El Indio". Ensuite parce qu'une rupture s'opère dans sa carrière avec ce drame, les deux périodes suivantes se révélant bien moins intéressantes que celle qui s'achevait là. Enfin grâce à la présence, charnelle et expressive, de l'actrice italienne Rossana Podestà(1) dont l'éclatante beauté classique en fera l'interprète de la princesse phéacienne Nausicaa dans l'homèrique Ulisse (aux côtés de Kirk Douglas) puis du rôle-titre d'Helen of Troy réalisé par Robert Wise. Mais aussi à la superbe photographie d'Alex Phillips(2) qui valut à La Red le "Prix international du film le mieux raconté par l'image"(3) à l'issue de la sixième édition du Festival de Cannes.
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Deux hommes font sauter à la dynamite la porte d'un coffre dans un entrepôt. Trois policiers interviennent rapidement, leurs tirs touchent l'un des malfaiteurs avant qu'ils ne soient froidement abattus. Incapable de s'enfuir, le blessé enjoint son complice de l'abandonner dans l'intérêt de Rossana. Celui-ci échappe à ses poursuivants en plongeant dans les eaux du port. Une belle et souriante jeune femme le retrouve sur une plage isolée. Installés dans une petite maison en bois qui surplombe l'océan, Antonio et Rossana vivent de la pêche d'éponges et de coraux vendus au village. Lorsqu'ils l'atteignent, au terme d'une longue marche, Antonio laisse Rossana y entrer seule, suivie du regard par la plupart des hommes qu'elle croise. En sortant, une fois ravitaillée, la bourgade, elle aperçoit José Luis en discussion avec le prêtre. Ce dernier, évadé de prison, se présente bientôt devant la cabane du couple. Antonio impose par la force l'hébergement de son meilleur ami à Rossana, laquelle a connu José Luis et l'aime peut-être encore, hostile à cet accueil. Pour empêcher le départ, la nuit venue, de la jeune femme, José Luis décide de s'en aller et de retourner au village.
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Une narration sobre et circulaire, des personnages essentiellement physiques, presque mutiques, La Red ne ressemble à aucun autre des grands mélodrames(4) d'Emilio Fernández(5), ni à ceux du maitre du genre mexicain Roberto Gavaldón. L'influence du cinéaste russe Sergueï Eisenstein transparaît régulièrement, celle du co-scénariste Neftali Beltrán aussi, en particulier à travers le culte, au moins formel, du corps qui y est rendu. Le film évoque étrangement deux productions nippones ultérieures, Kurutta kajitsu de Kô Nakahira par ses thèmes (possession, convoitise, désir...) et son audace. Hadaka no shima de Kaneto Shindô au dépouillement naturaliste assez comparable. L'indigénisme de Fernández le pousse naturellement à une sublimation romantique, laquelle reste néanmoins fidèle à sa peinture des grandes passions, de l'antagonisme des sentiments ou des impérissables oppositions (nature et civilisation, anarchie et ordre, passion et vertu, interdit et transgression). L'évidente charge érotique, quoique maitrisée, de La Red participe paradoxalement à ce processus lyrique dans lequel la bande musicale sert souvent de principal vecteur de dramatisation. Fernández réalisera d'ailleurs un remake intitulé Erótica (le nom de l'héroïne interprété par Rebeca Silva), son dernier et lui parfaitement oubliable film.
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1. née en Libye, celle qui avait été la fille du brigadier Bottoni (Aldo Fabrizi) dans Guardie e ladri était jusque-là plutôt méconnue à l'étranger.
2. appelé en 1931 à cinématographier Santa, le premier sonore mexicain, le chef-op. canadien s'était installé dans le pays officiellement révolutionnaire. Alex Phillips avait déjà éclairé le premier des deux films qu'il allait tourner avec Luis Buñuel.
3. récompenses rebaptisées par Jean Cocteau, président du jury à l'occasion de ce cru 1953.
5. l'ancien colonel et partisan du révolutionnaire Adolfo de la Huerta fut lui-même un évadé, contraint à l'exil aux Etats-Unis. Acteur, il est devenu un des acteurs fétiches de Peckinpah, titulaire notamment des rôles du général Mapache dans The Wild Bunch et d'El Jefe de Bring Me the Head of Alfredo Garcia... photographié par le propre fils et assistant d'Alex Phillips, Álex Jr.

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