jeudi 12 mai 2011

The King of Comedy (la valse des pantins)


"The more scribbled the name, the bigger the fame!"

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Le cinéma tient souvent, lorsqu'il possède une réelle ambition artistique, de l'alchimie complexe. Qu'un ou plusieurs des ingrédients soient défaillants et l'enchantement n'opère pas. Dans le cas de The King of Comedy, l'assemblage ne peut raisonnablement pas être mis en cause. Le huitième long métrage de fiction signé par Martin Scorsese ne rencontra pourtant pas son public lors de son exploitation initiale. Cet insuccès résulta-t-il d'un facteur purement exogène ? Ou le cinéaste n'était-il a priori pas assez crédible dans la comédie, certes noire, un genre où, il est vrai, Scorsese ne persévérera pas(1) ? A partir d'un scénario (récompensé par un BAFTA en 1984) du méconnu Paul D. Zimmerman(2), le film d'ouverture du 36e Festival de Cannes produit par Arnon Milchan(3) a depuis convaincu un auditoire bien plus large qu'à cette époque.
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Intervenu spontanément pour modérer l'ardeur des fans de Jerry Langford à la sortie de son talk-show, Rupert Pupkin s'invite dans la limousine de la vedette de télévision, peut évoquer son souhait de reconversion dans le one man show et obtient d'être reçu pour avoir son avis sur ses sketches. L'employé dans les télécommunications âgé de trente-trois ans s'imagine déjà devenir une célébrité proche de Langford auquel il ne peut refuser, lors d'un déjeuner, de le remplacer pendant six semaines à l'animation de son émission. Débordant d'enthousiasme, Pupkin se rend dans le bar où travaille Rita Keane, une ancienne camarade de collège dont il était secrètement amoureux, et l'invite à dîner dans un restaurant chinois. L'admirateur de Mel Brooks et d'Ernie Kovacs lui confie qu'il est, grâce à sa récente entrevue avec Langford, sur le point de devenir le nouveau roi du rire (king of comedy), lui propose d'être sa reine et de l'accompagner pour un weekend dans la maison de campagne de son mentor. Ne réussissant pas à lui parler au téléphone, Pupkin débarque le lendemain dans les bureaux de Langford. Brièvement reçu par Cathy Long, l'assistante du producteur, il s'engage à lui faire parvenir une cassette de son spectacle.
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Cette ambitieuse production de studio, critique à l'humour grinçant du show-business et de l'influence effarante de la télévision(4), tombait sans doute mal en plein premier mandat reagannien(5). Comment pourtant ne pas y relever une dénonciation prémonitoire (bien qu'amorcée dès le début des années 1970) de l'inquiétante dérive "(pseudo) réaliste" de ce média populaire ? S'il préserve la morale, The King of Comedy éreinte avec une saveur aigre-douce le mythe obsessionnel de la réussite à tout prix, stigmatisant au passage l'égocentrisme généré par la renommée (réelle, insignifiante comme celle de l'auteur d'un livre sur la disparition du tigre en Sibérie ou illusoire). Choix délibéré de Robert De Niro d'explorer ce registre, de rompre donc avec l'image véhiculée par les personnages bien plus dramatiques tenus précédemment tels que Travis Bickle (Taxi Driver), Jimmy Doyle (New York, New York), Michael (The Deer Hunter) ou encore Jake La Motta (Raging Bull), ce rôle de gentil humoriste psychotique peut être considéré comme un pari risqué mais cependant réussi. Le principal regret formulé à l'égard du film réside dans la faible épaisseur des rôles secondaires, en premier lieu celui de Jerry Lewis(6), dont la carrière au cinéma n'était plus ce qu'elle avait été, ensuite les trois féminins interprétés par Mrs De Niro, Diahnne Abbott, l'insolite et télévisuelle Sandra Bernhard ainsi que Shelley Hack, l'ex-Tiffany Welles de Charlie's Angels (saison 4).
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1. après sa seconde tentative, After Hours.
2. critique, auteur notamment d'un ouvrage sur les Marx Brothers, et militant politique.
3. au début de sa carrière, notamment producteur des Once Upon a Time in America, Brazil et L.A. Confidential à venir, associé à Michael Mann pour Heat avec, comme les deux premiers, Robert De Niro dans l'un des rôles principaux.
4. soulignée auparavant en particulier par Elia Kazan puis Sidney Lumet.
5. le tout nouveau président avait été, rappelons-le, victime d'une tentative d'assassinat en mars 1981, soit quelques mois avant le début du tournage du film.
6. finalement préféré, après le refus de Johnny Carson (troisième animateur du "Tonight Show"), à Frank Sinatra et Dean Martin.

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