mardi 12 avril 2011

Tango, no me dejes nunca (tango)


"... ¿Cuál es la línea dramática que unifica todo esto?"

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Si l'on se réfère à deux des acceptions(1) du terme "magie", Carlos Saura est assurément un magicien. Tango, no me dejes nunca en apporte une preuve supplémentaire et solennelle. Depuis le début des années 1980 et Bodas de sangre, le cinéaste aragonais a pris l'habitude d'explorer au cinéma des espaces de création connexes : musique, danse et théâtre. De l'Espagne à l'Argentine et du flamenco au tango, il n'y a pour ainsi dire qu'un pas. Sorte de recul pratiqué par le peintre pour juger la justesse de composition d'une toile ; mais aussi une manière pour Saura de rendre vivace le lien étroit existant entre les peuples et histoires de ces deux nations. Présenté hors compétition au 51e Festival de Cannes(2), Tango... était sélectionné dans la catégorie "film étranger" des "Golden Globes" et Academt Awards 1999.
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Pendant qu'il relit, au soleil levant, le scénario de son drame chorégraphique et musical en préparation, le metteur en scène Mario Suárez ne peut s'empêcher de repenser à sa compagne, la danseuse Laura Fuentes. Il s'imagine même la poignarder tout juste sortie des bras de son partenaire Ernesto Landi. Venue récupérer un bijou, Laura refuse une nouvelle fois de renouer la relation à laquelle elle a mis fin, repoussant énergiquement l'étreinte de son ex-amant, blessé à la jambe par un récent accident de voiture. Mario décide alors de s'installer dans les locaux de production du spectacle pour y suivre les auditions et répétitions menées par le maître de ballet Carlos Nebbia ou l'élaboration des décors. Dans le café musical appartenant à l'homme d'affaires Angelo Larroca, celui-ci apprend à Mario être le principal producteur de son spectacle. Il obtient que sa jeune maîtresse Elena Flores puisse se présenter aux auditions.
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Comme dans Carmen, passion et rivalité amoureuse se trouvent au cœur de cette remarquable mise en abyme dans laquelle s'imbriquent également, outre les danseurs, les couples imaginaire-réalité ou passé(3)-présent. Mais bien vite, une impression décisive s'installe : contrairement au contemporain The Tango Lesson, métaphore chorégraphique des rapports de domination signée par la Britannique Sally Potter, le récit de Carlos Saura semble paradoxalement répondre(4) aux (ou rythmer !) danses et musiques rioplatenses (arrangées ou écrites pour ces dernières par Lalo Schifrin qui débuta, rappelons-le, comme pianiste et conseiller d'Astor Piazzolla). Le cinéaste et le directeur de la photographie Vittorio Storaro(5) saisissent avec beaucoup de subtilité et d'originalité (aussi technique) toute la sensualité et la violence potentielles, la rigueur et l'improvisation qui caractérisent le tango. Les acteurs peinent en revanche un peu à porter l'embras(s)ement lyrique à son point culminant. Remarqué notamment chez Fernando E. Solanas (pour lequel il avait été le partenaire de Marie Laforêt dans El Exilio de Gardel: Tangos), Miguel Ángel Solá et la débutante Mía Maestro ne peuvent, dans ce contexte spécifique, lutter face à Juan Carlos Copes et Cecilia Narova pourtant bien moins présents à l'écran.
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1. ensemble de procédés secrets visant à mystifier un auditoire, impression vive et inexplicable provoquée par la perception de quelque chose.
2. où Vittorio Storaro obtint un "Grand prix technique".
3. le jeune Mario ne vivrait-il pas au cours de deux époques distinctes ? Par ailleurs, les extraits de Tango Bar de John Reinhardt avec Carlos Gardel et de Mercado de abasto de Lucas Demare ancrent le film dans une tradition formelle.
4. paut-être aussi à la question mise en exergue.
5. collaborateur régulier de Bernardo Bertolucci mais également chef-op. d'Apocalypse Now.

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