jeudi 10 mars 2011

O Estranho Caso de Angélica (l'étrange affaire Angelica)


"... Homem e suas circunstâncias."

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Il faut, à l'évidence, louer avant tout cette intarissable vitalité dont fait preuve Manoel de Oliveira au cinéma depuis plus de quatre-vingt ans. Un persistant élan créatif qui force le respect... et dont pourraient s'inspirer, à toutes fins utiles, quelques uns de ses cadets d'art. Film d'ouverture de la section cannoise(1) "Un certain regard" 2010, O Estranho Caso de Angélica l'atteste une nouvelle fois. Le cinéaste portuan reprend d'ailleurs, à cette occasion, un scénario original (fragmentairement autobiographique) rédigé au début des années 1950. Un drame romanesque moins influencé par le fantastique d'un Théophile Gautier que par la fantaisie poétique d'Antero de Quental ou la philosophie de José Ortega y Gasset.
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Sollicité en pleine nuit pluvieuse, Isaac accepte d'accompagner l'intendant du domaine Quinta das Portas, situé en surplomb de Peso da Régua sur la rive opposée du Douro. Le fervent photographe amateur doit y réaliser des portraits de la défunte Angélica. Accueilli par la sœur et le frère aînés puis par la mère de celle-ci, Isaac est aussitôt frappé par la grâce paisible de la récente jeune épouse décédée. Derrière le viseur de son appareil, il s'imagine même la voir s'éveiller et lui sourire. Une fois sa mission accomplie, il quitte prestement la veillée funèbre et rentre chez lui. Le lendemain, après avoir développé et tiré ses clichés, Isaac part photographier un groupe d'ouvriers agricoles occupés à serfouir la vigne. Sur le chemin du retour, il s'arrête dans l'église où va être célébrée la messe funéraire pour Angélica. Il confie ensuite les épreuves commandées à la domestique de Quinta das Portas. Au cours de la nuit suivante, Isaac fait un rêve étrange et bouleversant dans lequel Angélica s'envole en emmenant son double éthéré. Son déroutant comportement consécutif commence à inquiéter sa logeuse, Ms. Justina, et les autres occupants de la pension.
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Proche dans l'esprit d'O Principio da incerteza, ce trente-deuxième long métrage de Manoel de Oliveira possède cette appréhensive quiétude qu'expriment, de manière aussi abstraite, les valses posthumes de Chopin(2). Enigmatique plus qu'étrange, jamais morbide, l'obsession mortuaire (amoureuse ou énergétique ?) qui se noue dans l'intemporel Caso de Angélica cherche subtilement sa fondation dans l'incertitude de la pensée conceptuelle. Science, conscience, religiosité et superstition s'y croisent en effet sans s'opposer ; invoqué par le cinéaste, le perspectivisme élaboré par José Ortega y Gasset dans sa théorie de la raison vitale(3) nous propose de possibles clefs de résolution sans altérer pour autant une lecture plus élémentaire du récit. Quelques champs potentiellement fertiles laissés en jachère et la prédominance du personnage principal, interprété avec solidité et sobriété par Ricardo Trêpa, bémolisent cependant un peu la partition oliveirienne.
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1. le quinzième film (le 9e en compétition) du cinéaste présenté depuis Francisca (1981) sur La Croisette.
2. compositeur choisi pour accompagner la narration.
3. "Yo soy yo y mi circunstancia" (je suis moi et ma circonstance/circum-stantia, in "Meditaciones del Quijote".

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