jeudi 10 mars 2011

Liliom


"... The fine gentleman's back!"

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Vertu(1), tel pourrait être le maître mot, aujourd'hui un peu désuet, de ce drame teinté dans son ultime partie de surnaturel. La dimension sociale, assez marquée dans la pièce (créée en 1909 puis montée peu après à Berlin au "Deutsches Theater" de Max Reinhardt) du dramaturge austro-hongrois Ferenc Molnár (The Good Fairy), s'efface en effet ici pour prendre la forme, à tous les sens du terme, bien moins réaliste d'un conte essentiellement moral. Adapté auparavant à trois reprises (notamment en 1919 par son compatriote Kertész Mihály, futur Michael Curtiz), Liliom ne peut se départir sous la direction très scénique de Frank Borzage d'un optimisme, certes mélancolique, presque inaltérable. Une impression d'ailleurs renforcée par les interprétations peu tragiques de Charles Farrell et de la comédienne Rose Hobart dans son premier rôle au cinéma.
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Domestique dans une famille de Budapest, Julie néglige l'intérêt que lui porte un menuisier veuf, attirée par Liliom, le bonisseur du manège de la fête foraine où la jeune femme se rend après son office en compagnie de sa collègue et amie Marie. Prise à partie par Mme Muskat, la propriétaire de l'attraction, Julie reçoit l'inattendu soutien de Liliom, prêt à renoncer à son emploi en s'opposant ainsi à sa patronne. Celui-ci offre ensuite une bière à la jeune femme puis l'emmène à l'écart du parc. Deux gendarmes en patrouille mettent Julie en garde, sans la convaincre, sur les intéressées manipulations auxquelles se livre régulièrement Liliom au détriment de nombreuses victimes féminines. Trois mois plus tard, le couple, hébergé dans le studio photographique de Tante Hulda, s'étiole déjà. Sans activité, Liliom passe ses journées à dormir, sa tristesse provoquant celle de Julie et leurs sporadiques confrontations. Lorsque sa compagne lui annonce attendre un enfant, Liliom finit par accepter de servir de complice à 'The Buzzard' pour dérober au comptable la paie hebdomadaire des ouvriers d'une usine.
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Moins ambitieux aux plans narratif et cinématographique que Seventh Heaven ou Street Angel, Liliom n'en demeure pas moins une œuvre séduisante à plusieurs titres. En premier lieu par l'évidente adresse de Frank Borzage à tirer parti, tout en le simplifiant (l'épurant), d'un récit assez simple pour ne pas dire convenu. En particulier sur le mode symbolique, il réussit à opposer finement des figures archétypales du drame sentimental(2). Des contrastes également soulignés par une mise en scène, à la théâtralité assumée, tour à tour baignée par les éclats factices de lumières presque toujours artificielles ou plongée dans de profondes ténèbres. Le naturel (confinant au détachement) de Rose Hobart (Muriel Carew dans le Dr. Jekyll and Mr. Hyde de Mamoulian) se révèle à la fois insolite et précieux face à l'extrême candeur composée par un Charles Farrell au jeu encore influencé par la mimique (le mimétisme !) du muet. Une intéressante comparaison peut enfin être opérée entre cette version et celle bien plus féroce réalisée en 1934 par Fritz Lang(3) avec Charles Boyer dans le rôle-titre.
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1. déf. : disposition à accomplir certains actes moraux par un effort de la volonté. Qualité d'une chose qui la rend capable de produire un certain effet.
2. passion-raison, popularité de pacotille-reconnaissance, indigence artistique-ventripotent arrivisme ou encore la circularité du carrousel et la linéarité de la voie de chemin de fer.
3. non "tranchée" par la plus tardive transposition musicale d'Henry King (1956).

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