mardi 14 décembre 2010

My Man Godfrey (mon homme godfrey)


"I'm proud to be a good butler, Sir. And I may add Sir, a butler has to be good to hold his job here."

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La neuvième édition des Academy Awards, au cours de laquelle dix productions se retrouvaient en concurrence pour la récompense majeure, voyait la Metro-Goldwyn-Mayer (studio le plus représenté avec la moitié des candidats en lice) l'emporter grâce au Great Ziegfeld de Robert Z. Leonard, notamment vis-à-vis de Mr. Deeds Goes to Town (Columbia). Cité dans six catégories(1), My Man Godfrey ne figurait même pas dans la liste des nommés pour l'"Oscar" du meilleur film. La comédie romantique de Gregory La Cava demeure pourtant, près de quatre-vingt ans plus tard, tout à la fois représentatif de son époque et l'une des références du genre avec It Happened One Night de Capra(2). Adapté du roman "1101 Park Avenue" d'Eric S. Hatch par Morrie Ryskind (connu pour ses collaborations avec les Marx Brothers) et le cinéaste, My Man Godfrey réunissait pour la troisième et ultime fois l'ancien couple à la ville composé de la délicieuse Carole Lombard et d'un William Powell sans doute au sommet de sa carrière.
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Deux véhicules s'arrêtent en surplomb d'une décharge d'East River. De la première sort un couple, bientôt suivi par la sœur de la jeune femme. Cornelia se dirige aussitôt vers un pauvre hère surnommé 'Duke', lui offrant cinq dollars s'il l'accompagne à l'hôtel Waldorf-Ritz où elle doit exhiber un homme oublié(3) afin de gagner un jeu de société. Lorsqu'il comprend le méprisant motif de cette proposition, l'homme la repousse, la fait choir sur un tas d'ordures et la menace ainsi que 'Faithful' George son compagnon. Une fois avoir satisfait sa curiosité à propos de cet étrange concours auprès d'Irene la cadette, ravie de la mésaventure de Cornelia, Godfrey accepte de se rendre au palace pour lui permettre de l'emporter sur son aînée. Là, son court discours de victoire ouvertement provocateur n'empêche pas Irene de prendre l'initiative de l'engager pour remplacer le majordome récemment congédié par ses parents Angelica et Alexander Bullock. Entre une maîtresse de maison un peu insensée qui entretient un prétendu artiste, la dédaigneuse et revancharde Cornelia et Irene tombée sous son charme cultivé, Godfrey s'aperçoit rapidement que son nouvel emploi n'a rien d'une sinécure.
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Entré au National Film Registry en 1999, My Man Godfrey est une extrêmement plaisante screwball comedy comme l'avait été, en situation inversée(4), She Married Her Boss du même Gregory La Cava (avec Claudette Colbert et Melvyn Douglas pour têtes d'affiche). Produit entre avril et juin 1936, le film reste narrativement très influencé par la Grande dépression, notamment la pauvreté et le chômage toujours élevés malgré les deux New Deals programmés par l'administration Roosevelt. Circonstanciel, le "choc de classes" qui sert de détonateur à cette aimable satire sociale se révèle plutôt original et percutant, pulsé par la vivacité des dialogues de Morrie Ryskind, souvent revus ou improvisés sur le plateau, et par la réalisation de l'ancien animateur et excentrique La Cava(5). Emprunté à la MGM, William Powell n'a aucune difficulté à apporter à son personnage ce précieux cocktail composé de virilité, de distinction et d'humour. La vedette de One Way Passage et de The Thin Man trouve sans doute auprès de son ex-épouse Carole Lombard, dont la participation(6) conditionnait la sienne, une motivation supplémentaire à son excellence. Très convaincante en jolie idiote, la partenaire de John Barrymore dans Twentieth Century et future actrice de Lubitsch et d'Hitchcock obtenait grâce à cette interprétation son unique citation pour un prix. Les seconds rôles ne déparent pas, bien au contraire, en particulier Alice Brady (The Gay Divorcee), Eugene Pallette (Shanghai Express, Mr. Smith Goes to Washington) mais aussi la "glaciale et calculatrice" Gail Patrick, Jean Dixon(7) et le natif russe Mischa Auer. En 1957, une nouvelle adaptation du roman sera réalisée par Henry Koster avec David Niven et June Allyson dans les rôles principaux.
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1. dont les quatre d'interprétation, une première dans l'histoire de la cérémonie l'année de l'introduction des seconds rôles (auxquelles s'ajoutent réalisation et scénario adapté). Three Smart Girls défendait la bannière commune Universal pour le principal trophée.
2. célébré aux "Oscars" 1935.
3. forgotten man.
4. radicalement différent, à l'exception de la qualité, du Boudu sauvé des eaux de Renoir.
5. dès le générique d'ouverture avec cet étonnant travelling latéral débouchant sur l'inattendu décor initial.
6. à la place de Constance Bennett, Miriam Hopkins ayant aussi été pressentie.
7. déjà castée pour She Married Her Boss, titulaire du rôle de Bonnie Graham dans You Only Live Once et ayant partagé la scène avec la mythique Sarah Bernhardt à l'époque où elle étudiait en France.


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