mercredi 13 octobre 2010

Lenny


"... Why do you always have to be so fucking hip?"

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Il fallait avoir à la fois un certain flair et une sérieuse dose de courage(1) pour produire, d'abord au théâtre puis au cinéma, cette biographie. Associé à Arnold Perl pour un récent documentaire sur Malcolm X nommé aux "Oscars", le bien-nommé Marvin Worth(2) ne devait sans doute pas en être dépourvu. L'ancien agent de Lenny Bruce (controversé satiriste comique et rénovateur du stand-up décédé en 1966 à l'âge de quarante ans) avait en effet déjà monté à Broadway(3) la pièce en deux actes de Julian Barry avec Cliff Gorman dans le rôle-titre. Le choix du chorégraphe brillamment passé derrière la caméra Robert 'Bob' Louis Fosse pour l'adapter à l'écran constituait alors une véritable surprise. Le troisième film du réalisateur de Cabaret, grand vainqueur des 45e Academy Awards, reste pourtant encore aujourd'hui une œuvre forte, actuelle mais aussi un authentique modèle de biopic.
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Interrogée sur les années passées aux côtés de Lenny Bruce, Honey Harlow se remémore leur rencontre et leur immédiate attirance dans une cafétéria. Le comique de cabaret sans réel succès et la strip-teaseuse surnommée 'Hot Honey Harlowe' étaient rapidement devenus amants puis époux malgré la tentative souterraine de Sally Marr, la mère de Lenny, de les séparer. Le déjeuner-rencontre entre celle-ci et la nouvelle Mme Bruce s'était néanmoins bien déroulée. Lenny avait convaincu Honey d'abandonner son effeuillage au profit d'un show commun appuyé par leur célèbre confrère Sherman Hart, animateur d'une émission télévisée hebdomadaire. Mais, faisant mine de s'excuser en présence de ce dernier pour son dérapage verbal au cours d'un précédent spectacle, Lenny persistait et signait en lançant une brève grossièreté. Sur la route nocturne et pluvieuse, le couple était bientôt victime d'un grave accident de voiture nécessitant une hospitalisation prolongée d'Honey. Les Bruce partaient ensuite pour la Californie à bord d'une grosse Cadillac noire.
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A défaut de musique et de danse, l'antépénultième film dirigé par Bob Fosse se place d'emblée sous le signe du verbe(4). Comment pourrait-il en être autrement s'agissant du récit des quinze dernières et chaotiques années de l'existence de Lenny Bruce ? "Fracasseur" de mythes et d'apriori, "stigmatiseur" des travers de la société étasunienne et de tabous universels, le co-réformateur(5) des lois sur l'obscénité dans les années 1960 avait en effet fait de la parole son unique arme au service du combat donquichottesque auquel il se livrait un peu malgré lui. Sous de faux airs de documentaire (notamment par l'emploi, certes esthétisé par Bruce Surtees, du noir & blanc ou la construction journalistique) et par une régulière alternance entre scènes de la vie et extraits de prestations scéniques, Lenny souligne bien le rôle thérapeutique (purgatif), assumé avec dérision et une incertaine vocation collective, joué par cet humour perfide, provocateur contre l'absurdité mais aussi l'impuissance et l'échec. L'interprétation de Dustin Hoffman force le respect et suscite de légitimes louanges (tempérées a posteriori par la remarquable prestation du Britannique Eddie Izzard lors de la reprise de la pièce en 1999) aux côtés d'une très convaincante Valerie Perrine dans le meilleur rôle de sa carrière au cinéma(6).
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1. même si l'explosif contexte politique - démission contrainte de R. Nixon - ne nuisait pas, bien au contraire, à son développement.
2. promoteur précoce d'artistes et de concerts de jazz, producteur notamment de The Rose (1979), il participera également au financement du drame de Spike Lee consacré au chef du "Mouvement des droits civiques" assassiné en 1965.
3. mise en scène par Tom O'Horgan, à l'affiche du Brooks Atkinson Theatre du 26 mai 1971 au 24 juin 1972 (soit 453 représentations).
4. symbolisé, en ouverture, par un plan très rapproché de la bouche d'Honey Harlow.
5. avec Henry Miller, Barney Rossett et James Joyce notamment, relayés ensuite par un certain Larry Flynt.
6. La Texane, ancienne showgirl à Las Vegas, fut la seule à être récompensée d'une "Palme" cannoise et d'un "Bafta". Nommé dans six catégories majeures des Academy Awards 1975, Lenny ne reçut aucune statuette.





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