samedi 25 septembre 2010

Film Socialisme


"Une fois, en 1942, j'ai rencontré le néant..."

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A bientôt quatre-vingt printemps, Jean-Luc Godard alias JLG(1) aurait pu prendre une retraite bien méritée, à peine troublée par quelques courtes sollicitations filmiques, consultations ciné-journalistiques ou récompenses honorifiques(2). Que nenni ! Comme il en a désormais l'habitude au moins en fin (ou début) de chaque décennie, le cinéaste franco-suisse, l'un des derniers(3) anciens surfers de la "Nouvelle vague", est en effet revenu en mai avec ce Film Socialisme. Classique, si le vocable a vraiment un sens dans le lexique godardesque, ou expérimental ? Manifeste ou provocation ? Difficile de trancher de façon univoque. Assez des deux en tout cas pour trouver sa place en compétition dans la section cannoise "Un certain regard".
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Des choses comme ça : considérations historiques, géométriques et autres -iques d'une frange de la population cosmopolite embarquée à bord d'un luxueux paquebot en croisière autour de la Méditerranée. Notre Europe : tous les ans le 4 août, les quatre membres de la famille Martin, dont le père J.-J. est propriétaire d'un garage-station-service en bordure d'une départementale savoyarde, se livrent conventionnellement à un débat affecto-électif. Une journaliste de FR3 Régio, accompagnée d'une camérawoman, a justement choisi cette date pour y réaliser un petit reportage qui doit être diffusé aux cours du bulletin d'informations du soir. Nos humanités : patchwork tragico-historique liant six lieux de l'Europe élargie.
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Le paradoxe Godard peut être défini comme une alternative disjonctive. Au début de sa carrière, les propos abscons que tenait le fondateur de l'éphémère "Gazette du cinéma" autour de ses films rendaient ceux-ci finalement plus rebutants et moins compréhensibles. Depuis une vingtaine d'années, l'inverse se constate : ses productions apparaissent résolument plus cryptées, insondables (ce qui n'est pas forcément gage de profondeur !) que les intentions affichées et/ou le discours évoqué. Film Socialisme est-il une critique de l'individualisme collectif(4), esquisse-t-il des illustrations allégoriques du désarroi européen et de l'absence de débat démocratique (par ex. sous la forme élaborée d'une jeune pompiste sans contrat de travail, affublée d'un lama - l'animal bien sûr -, plongée dans la lecture des "Illusions perdues " de Balzac), découvre-t-il (sic) une cohérence tragique au destin des peuples du vieux continent ? Qu'importe ! Le révolutionnaire s'est doublé d'un plasticien (certaines images du film sont, au demeurant, fort belles) pour faire du cinéma un art conceptuel à la manière d'un Robert Barry(5).
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1. comme on dit JFK... ou JCVD ?
2. le dernier en date étant un "Governor's Award" (AMPAS) pour l'ensemble de sa carrière que Godard ira/n'ira pas (rayer la mention inutile) récupérer en novembre prochain.
3. avec ses aînés Agnès Varda et Jacques Rivette... et sans doute le plus emblématique.
4. le socialisme en étant l'antithèse puisqu'il accorde le privilège aux intérêts de la collectivité (contrôlés par l'Etat) plutôt qu'à ceux de l'individu.
5. dont l'ambition formelle et formulée était de "se pencher sur des choses auxquelles les autres n'ont peut-être pas encore réfléchi : le vide, peindre un tableau qui n'en est pas un."

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