mercredi 8 septembre 2010

El Sol del membrillo (le songe de la lumière)


"¡Más intero!"

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Près de dix ans se sont écoulés depuis El Sur, son deuxième long métrage. Lorsque Víctor Erice reprend alors la caméra, c'est pour tourner un surprenant documentaire consacré à son aîné, le peintre-sculpteur réaliste Antonio López García. L'art pictural reçoit d'ailleurs à nouveau, en cette période charnière des années 1980-1990, les honneurs prononcés de la part du cinéma(1). El Sol del membrillo s'inscrit, à ce propos, davantage dans la tradition du Mystère Picasso de Clouzot que dans celle abondante du Rembrandt d'Alexander Korda (tous deux remarquables au demeurant). Le film, présenté en première au New York Film Festival (ville étrangère où l'œuvre d'Antonio López était la plus reconnue avec l'organisation de trois expositions en 1965, 1968 et 1986), reçut le "Prix du jury"(2) du 45e Festival de Cannes.
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Madrid, automne 1990. Au moment où des travaux sont sur le point d'être entrepris dans sa maison, située à la périphérie de la capitale espagnole, Antonio López García débute les préparatifs de la réalisation d'un nouveau tableau. Motivé au moins en partie par des souvenirs d'enfance à Tomelloso, il décide de peindre le jeune cognassier, planté quatre ans plus tôt dans la cour. Et de saisir en particulier, s'il le peut comme il l'explique à son épouse Mari, la lumière du soleil qui vient séquentiellement baigner l'arbuste. Mais l'automne, particulièrement pluvieux, l'oblige d'abord à protéger son espace de création à l'aide d'une tente-abri. Puis, après avoir reçu la visite de son ami Enrique Gran, ex-camarade des Beaux-arts avec lequel il évoque son travail et des souvenirs ou commente une œuvre de Michel-Ange, López se résout à modifier la nature de son projet initial.
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"Le sentiment et l'ordre". Passionnant, El Sol del membrillo l'est d'abord en raison de la rareté de ce type de témoignages, nous plaçant en situation de relative intimité avec l'artiste. Víctor Erice suit en effet, dans son informelle errance et sa durée (du 29 sept. au 11 déc.), le processus créatif dès l'assemblage du châssis et la fixation de la toile. Celui d'Antonio López García, méthodique voire (géométriquement) méticuleux, se révèle d'une extrême singularité, tant pour le néophyte que pour l'aficionado. Le retrait figuré du cinéaste ne dissimule cependant pas ses choix de mise en scène où activités coutumières et une certaine poésie atmosphérique (climatique !), dialogues souvent empiriques et silence illustratif alternent. Avec de discrètes incursions de l'environnement, proche ou distant(3). A y regarder de plus près, notamment le sens de cet étrange saut récitatif et temporel opéré entre hiver et printemps avec lequel se clôt le film, El Sol del membrillo propose une intéressante et puissante dialectique dans laquelle nature, morte et vivante, devient le motif symbolique de l'existence, de la finitude mais aussi de la renaissance.
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1. notamment à travers Caravaggio de Jarman, Camille Claudel de Nuytten, les Vincent & Theo d'Altman et Van Gogh de Pialat ainsi que La Belle Noiseuse de Rivette auxquels les plus tardifs Goya en Burdeos de Saura et Pollock d'Ed Harris peuvent être ajoutés.
2. ex-æquo avec Samostoyatelnaya zhizn du Russe Vitali Kanevski. Il succédait également à La Double vie de Véronique de Krzysztof Kieslowski au palmarès du "Prix Fripesci de la critique internationale".
3. exclusivement par des informations radiophoniques pour ce dernier.



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