dimanche 11 juillet 2010

Per le antiche scale (vertiges)


"Les malades mentaux sont incapables de penser et de concevoir sciemment le péché."

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Sorti dans la foulée de Libera, amore mio..., Per le antiche scale est la première adaptation au cinéma d'un roman du Toscan Mario Tobino(1). Edité en 1972 (c'est à dire entre la publication sur le même thème de "Le libere donne di Magliano" - 1953 et de "Gli ultimi giorni di Magliano" - 1982), l'ouvrage de l'écrivain-poète et psychiatre, en partie fondé sur sa propre expérience à Ancone, participait alors du long et vaste débat sur la désinstitutionalisation des soins apportés aux malades mentaux(2). Mauro Bolognini et son quintette de scénaristes, (parmi lesquels Tullio Pinelli et Bernardino Zapponi, réguliers collaborateurs de Fellini) recentrent l'intrigue autour de l'opposition fondamentale, théorique et morale, entre les deux thérapeutes interprétés par Françoise Fabian et Marcello Mastroianni(3).
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Une fête de Mardi-gras a été organisée dans un asile de la campagne florentine. Internés, personnel soignant et leur conjoint se réunissent pour le bal, le déjeuner du directeur et de ses collaborateurs ainsi que le spectacle de mime donné par Bianca et Mario. Le lendemain, le professeur Bonaccorsi effectue sa visite matinale. Il croise dans la cour l'un de ses patients, ayant renoncé à la poésie pour se consacrer aux récits historiques, qu'il interroge sur la folie. Accompagné par Bianca son assistante, il décline la proposition de voir une femme enfouie dans le sol feuillu de la cellule où elle a été enfermée. Le docteur Anna Bersani arrive peu après dans l'établissement au milieu des visiteurs. Venue quelques mois y poursuivre ses recherches, cette universitaire fait la connaissance de Gianna, une malade bénigne chargée de l'entretien de son logement, de Bonaccorsi avec lequel elle correspond depuis un an puis de Bianca. Invitée à dîner chez le directeur, Bersani rencontre son épouse Francesca et celle d'un médecin, la jeune et séduisante Carla. Lorsqu'elle arrive à son appartement, elle découvre Gianna endormie sur un divan dans une tenue et une posture sans équivoque. Bonaccorsi est, de son côté, rejoint par Francesca dont il est l'amant.
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"Mais si nul n'existe, qui va m'aider ?" Ardu mais à plusieurs titres fascinant, ce quasi huis clos nous invite à réfléchir sur l'énigmatique origine (biologique ou sociale) de la folie et, selon l'option, sur son hypothétique gestion/traitement. Le contexte fasciste du récit, judicieuse analogie collective au délire individuel, n'est évidemment pas anodin(4). Mario Tobino mettait l'accent sur la proximité congénitale du génie (poétique) et de la psychose, sur l'aliénation comme exclusion ou auto-exclusion (négation). Mauro Bolognini choisit plutôt de faire du dérèglement moral et sexuel, caractérisé par une forme "esthétique", viscontienne de l'hystérie freudienne, le possible révélateur du symptôme schizophrénique. Pour les lecteurs de Michel Foucault, Per le antiche scale (i.e. par les anciens escaliers) illustre assez bien l'amorce des phases d'abord neuroleptique puis contestataire de la psychiatrie(5). L'intérêt du film doit aussi beaucoup à sa distribution féminine, Françoise Fabian et Marthe Keller, très sobres et complémentaires, mais aussi Lucia Bosé, Barbara Bouchet et Adriana Asti.
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1. auquel on doit également Scemo di guerra et Le Rose del deserto.
2. qui aboutira au vote de la loi 180 du 13 mai 1978.
3. associés pour cette seconde occasion après la comédie d'Yves Robert, Salut l'artiste.
4. écho inconscient ou délibéré à la fondation des thèses racistes du nazisme sur une prétendue inégalité biologique et au décret d'euthanasie des individus ne répondant pas aux critères de normalité, première étape vers une élimination plus massive.
5. transition abordée différemment avant lui par le Family Life de Ken Loach

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