samedi 10 juillet 2010

La Notte brava (les garçons)


"A quoi sert le cœur, il suffit de cette main."

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La collaboration, entamée en 1957 avec Marisa la civetta puis Giovani mariti, entre Mauro Bolognini et Pier Paolo Pasolini donne à la trajectoire du cadet des deux cinéastes une inflexion particulière. Il suffit d'ailleurs, pour s'en convaincre, de mettre la première production d'Emanuele Cassuto en parallèle avec le précédent Gli Innamorati (également signé par Pasquale Festa Campanile et Massimo Franciosa). Avec La Notte brava, l'influence du Bolonais se renforce puisque le film est inspiré de "Ragazzi di vita", le controversé(1) roman publié par celui-ci en 1955. Deux ans avant Accattone, cette co-adaptation avec Jacques-Laurent Bost (ancien élève et proche de Jean-Paul Sartre) déroute et accroche "inconséquemment" à la fois.
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Agressivement concurrentes sur le trottoir de l'une des artères chaudes de Rome, Supplizia et Anna sont séparées par Ruggeretto et son ami Scintillone. Les deux jeunes hommes les emmènent en voiture chez Luigi le Flasque pour lui proposer de la marchandise dérobée. Mais celui-ci, à peine remis du décès de son épouse dont la veillée funèbre s'achève, repousse au lendemain l'éventuelle négociation. Devant l'empressement des vendeurs, désireux d'encaisser rapidement le produit de leur larcin, le neveu de l'endeuillé, Gino la Belle, les conduit chez une connaissance appartenant prétendument à la pègre. Le bougre en question s'avère aussi démuni et moins entreprenant que Ruggero. Anna suggère alors de tenter leur chance auprès du muet Frustone qui réside à Fiumicino. La transaction est opérée, le duo encaissant à ce titre cent mille lires. Sur le chemin du retour, les trois hommes font une halte pour passer un peu de bon temps avec leurs passagères auxquelles s'est jointe Nicoletta, bien décidés à ne pas les payer avant de les abandonner en pleine campagne. Une fois dans le véhicule, Scintillone découvre avoir été discrètement délesté de la liasse de billets.
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Successeur de Francesco Rosi et Suso Cecchi d'Amico (pour La Sfida dans lequel Rosanna Schiaffino tenait un rôle plus significatif) au palmarès du "Nastri d'argento" de la meilleure histoire originale, Pier Paolo Pasolini propose dans La Notte brava(2) une observation diurne/nocturne de la démunie et oisive jeunesse romaine. I Soliti ignoti ne date que de l'année précédente, mais il y a ici une modernité, une cruelle désillusion que ne montrait pas la comédie de Mario Monicelli. Inconstante, mouvante presque déconstruite, la narration (existentialiste ou déterministe ?) traduit avec force, parfois de manière énigmatique, l'errance physique et morale des principaux protagonistes. L'ambiguë relation aux êtres, à l'argent et aux apparences y tient une place essentielle. D'une beauté étourdissante, les différents personnages féminins, joués (dans l'ordre d'apparition) par Elsa Martinelli, Antonella Lualdi, Anna-Maria Ferrero, Mylène Demongeot (à l'incroyable sensualité) et Rosanna Schiaffino sont d'ailleurs presque toujours instrumentalisées. Aux côtés de Jean-Claude Brialy, Franco Interlenghi (déjà à l'affiche de Gli innamorati et Giovani mariti) et, pour la première fois au cinéma, du comédien cubain Tomas Milian, Laurent Terzieff (interprète la même année de Sascha dans Kapò de Gillo Pontecorvo) tient l'un des rôles forts de son début de carrière.
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1. accusé d'obscénité en raison de son sujet, il fera l'objet d'une plainte judiciaire pour "caractère pornographique".
2. noter le double sens de l'adjectif.



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