mardi 20 juillet 2010

Bakjwi (thirst, ceci est mon sang)


"Parfois, c'est bien de rester sur sa faim."

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Après deux productions intéressantes quoique légèrement en demi-teinte, eu égard au talent du cinéaste, Park Chan-wook nous revient avec un opus bien plus fringant et stimulant. Produit par Ahn Soo-hyun (avec laquelle le cinéaste avait collaboré pour son segment de Sam gang yi) et perfusé avec un limpide soluté du "Thérèse Raquin"(1) d'Emile Zola, Bakjwi (i.e. chauve-souris) revisite en profondeur le mythe littéraire du vampirisme avec un sens de la dramaturgie et de l'humour toujours caractéristique de l'œuvre de Park. Drame sentimental étreint par l'horrifique, le film a obtenu le Prix du jury"(2) du Festival de Cannes 2009.
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Lassé d'accompagner passivement la douleur et le décès des patients, l'aumônier Sang-hyun quitte l'hôpital où il était en poste pour rejoindre l'institut de recherche en biochimie de père Emmanuel. Celui-ci l'accepte comme volontaire pour participer aux expériences destinées à trouver un remède au virus, isolé par le laboratoire, à l'origine d'effroyables pustules expansives pouvant provoquer la mort. Un jour, alors qu'il joue de la flûte, du sang s'échappe de la gorge de Sang-hyun. Transfusé, il décède peu après mais revit aussitôt. Six mois plus tard, considéré comme un miraculé et capable de prodiges, Sang-hyun sort d'une période d'isolement dans son pays. Il retrouve incidemment Ra Kang-woo, un camarade d'enfance à Busan dont la mère pense qu'il peut le sauver de la maladie par la prière. Une nuit, Sang-hyun s'effondre inconscient après avoir ressenti une progression vertigineuse de l'acuité de ses sens. Le lendemain, il doit se protéger de la lumière du soleil qui provoque à nouveau une ulcération de sa peau. Appelé au chevet d'une accidentée, le prêtre se découvre un irrépressible goût pour le sang.
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"Vous voulez toujours le voir, ce monde ténébreux ?" Depuis une grosse dizaine d'années, les récits de vampires ont retrouvé un évident regain d'intérêt romanesque et filmique. Régulièrement altéré ou réformé, souvent modernisé, le mythe stokerien s'est peu à peu transformé, au point que l'auteur dublinois n'y reconnaîtrait sans doute pas ses créatures. Au sein de cette renaissance, Bakjwi constitue l'une des réinventions les plus originales, abouties et remarquables. Le titre international ne doit pas créer de confusion : le film n'a aucun rapport, étroit ou distant, avec celui homonyme de Rod Hardy. A partir de la classique trame narrative évoquée précédemment, Park Chan-wook s'amuse, avec sérieux, à examiner les effets de la mutation d'un acte de foi et de générosité en rapace apostasie. Cette transformation révélant d'autant plus de vigueur dès qu'elle oppose la constante responsabilité morale de Sang-hyun avec la perversité un peu puérile de sa partenaire. Difficile de ne pas y voir une astucieuse parabole à la croissante avidité humaine. La dualité frustration-apaisement (à laquelle la cantate BWV 82 "Ich habe genug" - je suis comblé - apporte un savoureux écho !) se trouve également joliment soulignée. Acteur régulier de Park depuis JSA(3), Song Kang-ho (au jeu diamétralement opposé à celui de Choi Min-sik) apporte à son personnage la sobriété et cette muette souffrance vitales à son personnage. Kim Ok-bin, dans son premier grand rôle au milieu d'un casting encore solide, est tout simplement formidable en Tae-ju, méritant amplement la récompense reçue l'année dernière à Sitges.
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1. plusieurs fois adapté à l'écran, notamment par Jacques Feyder et Marcel Carné.
2. ex æquo avec Fish Tank d'Andrea Arnold.
3. mais aussi de Salinui chueok et Gwoemul.

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