dimanche 13 juin 2010

Taking Off


"Pour quelqu'un qui a arrêté de fumer, la marijuana est-elle dangereuse ?"

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Au terme d'un inattendu aller-retour effectué en 1968 entre les Etats-Unis et la France(1), Milos Forman entame un productif exil américain de près de dix ans(2). Empêché par le Printemps de Prague de rentrer dans son pays, l'orphelin (à onze ans) trentenaire décide avec son ami Jean-Claude Carrière(3) d'écrire une fiction sur le mouvement hippie. Après d'ennuyeux "repérages", ce sont finalement les parents de cette jeunesse souvent fugueuse qui deviennent les personnages centraux de son premier film US. Troisième et ultime production d'Alfred W. Crown (Hamlet, Last Summer), Taking Off, tourné à New York au cours de l'été 1970, a obtenu le "Grand prix du jury" (présidé par Michèle Morgan, ex aequo avec Johnny Got His Gun de Dalton Trumbo) du 24e Festival de Cannes.
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Jeannie Tyne a disparu. Sensée être sortie avec son amie Corinna DeVito, elle n'est pas réapparue, provoquant l'inquiétude de ses parents. La jeune femme a préféré garder le secret de sa participation à une vaste audition destinée à trouver des chanteuses. Parmi les très nombreuses et diverses concurrentes au talent inégal, plusieurs ont recours à des substances psychotropes prohibées. Pendant leur interminable attente doublée d'une tentative de compréhension, Lynn et Larry Tyne reçoivent le soutien de leurs amis Margot et Tony. Larry finit par céder à la demande de son épouse et part avec Tony à l'improbable recherche de Jeannie. Après avoir signalé la fugue à la police, les deux hommes passent le reste de la nuit à s'enivrer dans un bar. Juste avant leur retour, Jeannie rentre enfin ; mais la colère alcoolique de son père la fait fuir.
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A quoi rêvaient donc les jeunes filles étasuniennes de la fin des années 1960 ? A devenir une nouvelle Joan Baez ou Janis Joplin. A chanter l'Amour (sous toutes ses formes !), déserteur des foyers et, en tout cas, à ne pas reproduire le schéma docilement suivi par leurs parents(4). Variation satirique sur un thème chanté en 1967 par The Beatles(5), Taking Off(6) ausculte avec drôlerie les cœurs et les corps (un peu moins les esprits !) de ces générations apparemment antagonistes. D'abord troublant, le récurrent va-et-viens entre prestations lyriques (parmi lesquelles celles de Carly Simon - "Long Time Physical Effects" et de Kathy Bates - "Even the Horses Had Wings") apporte un pertinent écho à la presque classique narration de pantalonnade pseudo dramatique. La scène du "This is a joint" orchestrée par Vincent Schiavelli (dans son propre rôle ?) mérite à elle seule de voir le film proche, sous certains aspects, du I Love You, Alice B. Toklas! de Hy Averback ou du Bob & Carol & Ted & Alice de Paul Mazursky. Epatante interprétation de Lynn Carlin (Faces) nommée au BAFTA, et de Buck Henry (co-scénariste de Get Smart et de The Graduate dans lequel il tient, comme dans Short Cuts, un petit rôle) ainsi que de Georgia 'The Voice' Engel. En l'absence d'édition vidéo, les photographies du film sont particulièrement rares !
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1. où son dernier film, Horí, má panenko, devait être en compétition au Festival de Cannes, finalement annulé.
2. le cinéaste acquiert en effet la nationalité étasunienne en novembre 1977.
3. dont il a co-signé l'unique film, La Pince à ongles récompensé par le "Grand prix du jury" du court métrage à Cannes en 1969. Ils collaboreront à nouveau ensemble pour Valmont puis Goya's Ghosts.
4. soulignons à ce propos la curieuse proximité phonique entre les mots grecs "èthos" (avec un êta : caractère, état d'âme, disposition psychique) et "éthos" (avec un epsilon : coutume, habitude).
5. "She's Leaving Home", écrite sur la base d'un cas réel par Paul McCartney sur l'album "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band".
6. sorti la même année que The French Connection, Summer of '42, Dirty Harry, A Clockwork Orange et Klute notamment (dans l'ordre du classement au box-office).



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