vendredi 11 juin 2010

Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto (enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon)


"... Si tu fais condamner un innocent à ta place, le fait d'être insoupçonnable n'est pas prouvé."

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Au tournant des années 1970, deux scénaristes se croisent auprès d'Elio Petri : Tonino Guerra (avec lequel il a tourné trois de ses six films de la décennie passée) et Ugo Pirro, co-adaptateur du polar sicilien A Ciascuno il suo avec Gian Maria Volonté. L'occasion également pour le cinéaste romain de modifier la substance de sa narration et de signer les meilleurs longs métrages de sa carrière de réalisateur entamée près de dix ans plus tôt. Débute donc une série de quatre drames stigmatisant avec une acuité inédite les dangereuses contradictions d'une société italienne gagnée par une vivace schizophrénie. Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto, le premier d'entre eux et sans doute le plus singulièrement éclatant, propose une surprenante, préoccupante allégorie de la dialectique pouvoir-culpabilité primée par un "Grand prix du jury" cannois ainsi que par l'"Oscar" 1971 du meilleur film étranger(1).
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Par un dimanche après-midi d'été, un homme retrouve son amante chez elle. Une fois au lit, il égorge sa partenaire avec une lame de rasoir puis, après s'être lavé, avoir dérobé des bijoux et laissé plusieurs indices susceptibles de l'identifier, signale le meurtre à la police. En quittant l'appartement en emportant deux bouteilles de champagne, il croise à la grille un jeune locataire de la résidence. Il arrive bientôt à la préfecture où l'attendent des collègues. Ce commissaire, chef de la brigade criminelle, vient en effet fêter sa promotion à la tête de la section politique. Il envoie cependant son collaborateur Biglia sur la scène du crime d'Augusta Terzi avant de participer à l'interrogatoire collectif et arrosé d'un jeune homme soupçonné d'avoir tué sa compagne. Mangani en profite pour faire l'éloge de son prédécesseur, mais il est battu froid par celui-ci qui part aussitôt rejoindre Biglia. Sur place, des photographies macabres ont été trouvées pour lesquelles Augusta posait. Sur le point de partir, le commissaire aperçoit dans l'escalier, parmi les nombreux occupants, le jeune homme rencontré dans la soirée. Il donne ensuite des indications au journaliste Patanè, faisant de l'époux séparé de la victime le principal suspect.
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"Le seul coupable... c'est moi." Ce septième long métrage d'Elio Petri (sorte de figure inversée de L'Assassino, sa première fiction) peut être appréhendé sous deux angles dièdres : en tant que pur polar, comme un ébouriffant exercice de style. Mais sa portée politique se révèle tellement prégnante, structurant profondément le récit, que cette approche restreinte ne peut véritablement résister. A travers l'inusitée perversité d'un personnage infantile et transgressif, maillon essentiel du dispositif à la fois sécuritaire et répressif, la "lucidité inquiète"(2) d'Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto met à nu, autopsie de manière étourdissante, radicale sur le plan de l'exposition, la redoutable dualité démocratique. La citation finale d'un extrait de "Das Schloß" de Kafka (également auteur de "Der Process"), splendide métaphore de la rigidité et de l'arbitraire étatiques, n'a évidemment rien d'innocent. Remarquable performance de Gian Maria Volonté, qui cannibalise de façon constitutive la prestation de ses partenaires sur les accents décalés (renforçant la tonalité fantasque du film), originaux de l'une des plus inspirées et inoubliables bandes musicales d'Ennio Morricone.
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1. auxquels s'ajoutent cinq autres récompenses décernées en Italie.
2. "Lucidità inquieta", titre de l'exposition organisée à Turin à l'occasion de la donation en 2007 de Paola Pegoraro Petri des archives photographiques et documentaires de son époux au Museo Nazionale del Cinema.



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