dimanche 7 mars 2010

Deutschland bleiche Mutter (allemagne, mère blafarde)


"... Ein Gespött oder eine Furcht! (dérision ou frayeur)"

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Lorsqu'elle entreprend l'autobiographique Deutschland bleiche Mutter, la Basse-saxonne Helma Sanders-Brahms a déjà derrière elle plusieurs téléfilms, un moyen métrage documentaire et deux fictions (dont l'une inspirée de la vie de l'écrivain romantique Heinrich von Kleist). Trois années se sont écoulées entre ce dernier drame et cette œuvre très personnelle, également co-produite par Volker Canaris. Un délai qui atteste du grand sérieux de sa préparation, évident à l'écran, et de l'enjeu que représentait ce nouveau film pour la cinéaste. En compétition pour l'"Ours d'or" de la 30e Berlinale, Deutschland bleiche Mutter a obtenu le "Grand prix" de la deuxième édition du Festival de films de femmes de Créteil.
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Séduite par Hans, notamment parce qu'il n'a pas contrairement à son ami Ulrich adhéré au parti national-socialiste, Lene accepte de le revoir puis de l'épouser. Peu de temps après les noces, le jeune marié reçoit son ordre de mobilisation pour la Pologne. Lors d'une permission précédant son affectation dans la Manche, le couple conçoit un enfant à la demande de Lene. Anna naît au cours d'un bombardement de l'aviation ennemie. L'un d'entre eux détruit bientôt la maison familiale, obligeant la mère et son nourrisson à partir à pied à Berlin dans l'espoir d'y être hébergés par l'oncle et la tante Fritzen.
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Le prélude poétique, qui donne au film son titre, est composé par Bertolt Brecht en 1933, année de son départ d'Allemagne (précédant d'ailleurs de peu l'autodafé de Bebelplatz dans lequel ses ouvrages parmi de nombreux autres ont été brûlés). Le dramaturge, enrôlé comme infirmier, avait été profondément marqué par l'horreur de la Première Guerre mondiale. Dans ce texte aux accents prophétiques, il mettait en accusation les "fils" de son pays. De façon véridique mais aussi symbolique, Deutschland bleiche Mutter semble en constituer le verdict. Si la fuite irréversible du bonheur, le basculement dans le chaos (transposé allégoriquement en récit d'un conte de Grimm) et le courage humain dans l'adversité imprègnent littéralement (viscéralement) le film d'Helma Sanders-Brahms, la question de la responsabilité de la génération née pendant le conflit, celle hégélienne de la conscience malheureuse que l'on retrouve de manière récurrente dans le cinéma de Fassbinder (auteur l'année précédente de Die Ehe der Maria Braun produit par le même Volker Canaris) ou encore celle, plus féministe*, de la remise à l'épreuve des notions conjointes de patrie et de paternité y sont posées avec une force pertinente. Interprète de deux rôles exigeants sous la direction de Werner Herzog, Eva Mattes parvient ici aussi à rendre avec beaucoup de naturel les variations psychologiques, entre confiance et désespoir, du personnage central aux côtés du très télévisuel Ernst Jacobi. Vingt-cinq ans après la sortie de Deutschland bleiche Mutter, l'Allemagne a confié son destin à une femme... née près de dix ans après la fin de la guerre et qui n'a pas connu la maternité.
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*une mouvance où s'illustrèrent à la même époque la fiction biographique Playing for Time et le documentaire The Life and Times of Rosie the Riveter.

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