dimanche 7 février 2010

Un Maledetto imbroglio (meurtre à l'italienne)


"Je ne suis pas docteur."

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Si avec Un Maledetto imbroglio, Pietro Germi semble opérer un significatif changement de registre, il ne s'agit en vérité que d'une trompeuse apparence. De toute évidence, le cinéaste, coiffé pour la troisième fois d'une triple casquette, s'intéresse en effet moins à l'enquête policière stricto sensu (dont la saveur simenonienne demeure toute relative) qu'au drame de mœurs qui la sous-tend en permanence. Germi et ses deux co-scénaristes Alfredo Giannetti et Ennio De Concini(1) réussissent le pari de donner à ce récit touffu et très imbriqué, libre transposition du "Quer pasticciaccio brutto de via Merulana"(2) publié en 1957 par l'ingénieur et romancier milanais Carlo Emilio Gadda, une authentique lisibilité. Produit par Giuseppe Amato(3) avec lequel le réalisateur avait collaboré pour La Presidentessa, Un Maledetto imbroglio donne également lieu à un renouvellement partiel de la distribution.
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Un voleur, mis en fuite par les cris et par des tirs de revolver de résidents d'un vieil immeuble cossu de centre de Rome, parvient à s'enfuir. Des bijoux ont été dérobés chez le commendatore Anzaloni, un vieux célibataire surtout inquiet par la publicité faite autour de cette affaire. Assunta Jacovacci, la jeune domestique du couple Banducci voisin, puis son fiancé, Diomede Lanciani, sont conduits dans les locaux de la Brigade mobile et interrogés. Suspect idéal, ce dernier possède cependant un alibi qu'il préfère qu'Assuntina ignore. Sans piste réelle, le commissaire Ciccio Ingravallo rend peu après une brève visite à Liliana, l'épouse sans enfant de Remo Banducci alors en voyage d'affaires à Lugano. Huit jours après le vol, le cadavre de celle-ci est retrouvée, assassinée à l'arme blanche, dans son appartement par son cousin, le docteur Valdarena.
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Largement influencée par la lascivité et l'opportunisme, la double intrigue criminelle d'Un Maledetto imbroglio (le titre original cerne, encore une fois, nettement mieux l'essence du film) va donner un sérieux fil à retordre au colérique et obstiné commissaire(4). Et les façades historiques des habitations bourgeoises dissimulent de bien inavouables pratiques. Surprenant, parfois vaudevillesque et déroutant, le film séduit tout à la fois par sa ludique complexité, ses contre-pieds que par la vivacité de son rythme. Sans oublier l'étonnante galerie de portraits qu'il dresse, de l'"érastique" Anzaloni à la très étrange Virgina jouée par la Milanaise Cristina Gaioni récemment honorée par la critique pour son second rôle dans Nella città l'inferno de Renato Castellani. En passant par Paola, l'énigmatique et invisible (autant que l'épouse de l'inspecteur Columbo) maîtresse du dottore Ingravallo. Courtes, les prestations de Claudia Cardinale et d'Eleonora Rossi Drago n'en sont pas moins intéressantes et apportent à leur personnage une valeur ajoutée indéniable comparées à celles du fellinien Franco Fabrizi, qui tournera à deux autres reprises avec Pietro Germi, ou du risien Claudio Gora plus présents à l'écran. A noter enfin, la première apparition de Nino Castelnuovo que l'on reverra notamment dans Rocco e i suoi fratelli et en interprète principal des Parapluies de Cherbourg.
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1. chargé de la supervision du scénario de Il Ferroviere, co-scénariste d'Il Grido, du Secret du chevalier d'Eon et de l'oscarisé Divorzio all'italiana, ou encore co-adaptateur de Gli ultimi giorni di Pompei, entre autres.
2. édité en France sous le titre "L'Affreux pastis de la rue des Merles" (1963).
3. à l'origine notamment de Roma, città aperta, de Ladri di biciclette, d'Umberto D. et de La Dolce vita.
4. bien moins rond et jovial que son collègue français Antoine 'Bon sang, mais c'est bien sûr !' Bourrel.

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