mercredi 10 février 2010

The Honey Pot (guêpier pour trois abeilles)


"No, it must be more too than just fun and game."

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Considéré, à juste titre, comme l'un des cinéastes les plus subtils et cultivés d'Hollywood, Joseph Leo Mankiewicz signe avec The Honey Pot son ultime scénario pour le cinéma(1). Adaptée de la pièce "Mr. Fox of Venice" écrite par Frederick Knott (Dial M for Murder, Wait Until Dark) et montée la première fois en 1959 au Piccadilly Theatre de Londres(2), cette délicieuse, quoique un peu perverse, tragi-comédie devait apparaître, à la suite de l'éprouvant héritage Cleopatra, comme une paisible et aimable récréation romano-vénitienne à cet ardent admirateur d'Ernst Lubitsch. Longtemps considérée comme une de ses œuvres de second plan, elle semble épargnée des épreuves du temps et mérite assurément d'être (re)découverte.
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Encouragé par une représentation privée du "Volpone" de Ben Jonson, le richissime étasunien Cecil Sheridan Fox décide de mettre en scène un petit divertissement personnel au détriment des trois femmes qui ont le plus compté au cours de son existence. Il recrute pour cela un régisseur, William McFly, jeune acteur réduit à de petits boulots entre deux rares engagements. Avec sa complicité, Fox invite donc dans son luxueux palais vénitien son Altesse Dominique ('Princess Forgiveness'), épouse d'un noble français ruiné, l'actrice Merle McGill ('Miss Gratitude') qu'il a lancée et la Texane résidente allemande Mrs. 'Lone Star' Sheridan ('Mrs. Loyalty'), en leur faisant croire qu'à l'article de la mort et sans héritier, l'une d'entre elles pourrait bien être la bénéficiaire testamentaire de sa fortune. Lors de la première rencontre des trois impétrantes, celle-ci, flanquée en permanence de son infirmière Sarah Watkins, affirme détenir un avantage réputé décisif sur ses deux concurrentes.
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Moins complexe que ne le prévoyait le scénario initial, raccourci par la suppression de quelques séquences oniriques, The Honey Pot donne à Mankiewicz l'occasion de développer une nouvelle fois des ambiances et des thèmes (dramaturgie, machination, rapports de force/classe a priori déséquilibrés) qu'il apprécie tout particulièrement. Tout à la fois plus spirituel, éloquent et moins dramatique que les créations dont il s'inspire en cascade, le film traduit en filigrane une perception un peu désillusionnée des relations humaines plus que la misogynie dont on l'a accusé au moment de sa sortie. Aucun personnage véritablement positif n'émerge de ce quasi huis clos, pas même l'inspecteur Rizzi dont les courtoisie et perspicacité sont contrebalancées par son incidente et excentrique réaction au milieu de ses "femmes". Face à l'efficace paire de valets constituée par le duo Rex Harrison(3)-Cliff Robertson réuni pour cette unique fois, le savoureux carré de dames l'emporte en effet. Aux côtés des étasuniennes East Coast Susan Hayward (partenaire d'Edward G. Robinson dans House of Strangers et ici dans son dernier rôle significatif) et Edie Adams(4), de la très distinguée Française Capucine, c'est la Britannique Maggie Smith(5) qui tire le mieux son épingle du jeu. La présence d'Adolfo Celi, récemment casté par John Frankenheimer dans le polyglotte Grand Prix, et la photographie de Gianni Di Venanzo(6), décédé en cours de production, apportent une indéniable plus-value.
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1. il tournera, en tant que réalisateur, encore deux autres films : There Was a Crooked Man... produit par lui et Sleuth.
2. elle-même inspirée par le roman de Thomas Sterling, "The Evil of the Day" publié en 1955.
3. dans son quatrième et dernier film sous la direction de Mankiewicz, après The Ghost and Mrs. Muir, Escape et Cleopatra.
4. choisie après le refus d'Anne Bancroft et déjà associée à Cliff Robertson dans The Best Man de Franklin J. Schaffner.
5. récemment nommée pour la première (des six fois) aux "Oscars" pour son second rôle dans Othello et surtout connu du jeune public grâce à celui de Minerva McGonagall dans la franchise Harry Potter.
6. collaborateur notamment de Monicelli, d'Antonioni, de Rosi, de Fellini et détenteur de cinq "Nastri d'argento".
Références filmiques : Barrymore (John ou Lionel ?), Charlie Chan et Perry Mason.



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