mercredi 3 février 2010

The Girlfriend Experience (girlfriend experience)


"... But what I am offering you is upskill beyond"

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Vingt ans après son premier long métrage, Steven Soderbergh aime toujours autant alterner les grosses productions et les films personnels, plus confidentiels. Doté d'un budget équivalent à celui de Bubble, sa pénultième expérience du genre, et tourné également avec de quasi inconnus, The Girlfriend Experience, d'abord présenté à Sundance et Tribeca, a néanmoins attiré davantage de spectateurs que celui-là(1). Probablement en raison de l'histoire "apparemment" un peu racoleuse signée par la paire David Levien-Brian Koppelman(2) et du choix de Sasha Grey(3) pour y tenir le rôle principal. Des arguments prétendument charnels qui dissimulent cependant des desseins bien plus abstraits.
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New York, peu avant le scrutin de la dernière élection présidentielle. Après être allé voir un film(4) et avoir dîné dans un restaurant chic, un jeune couple se retrouve dans l'intimité d'un douillet appartement. L'homme interroge sa compagne occasionnelle sur les emprunts non remboursés d'un ami. L'endroit est en réalité une luxueuse chambre d'hôtel, la jeune femme, nommée Chelsea, une escort-girl et son partenaire, Phillip obnubilé par l'argent, un client jusque-là régulier. Chris, le petit-ami depuis un an et demi de Chelsea dont il connaît l'activité, coache en free-lance certains des utilisateurs d'une salle de sport. Après avoir hésité, il accepte finalement l'invitation pressante de l'un d'entre eux à passer, avec trois autres copains, un week-end à Las Vegas.
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"Ma petite entreprise, connaît pas la crise" proclamait plein d'énigmatiques nuances le regretté Alain Bashung. Un slogan que ne semble pas partager Steven Soderbergh, même s'il manie volontiers, dans The Girlfriend Experience, le second degré allégorique. Impossible en effet de croire que le réalisateur d'Erin Brockovich, de Traffic (et l'époux de Jules Asner) ait pu passer, sans motifs sérieux, du très long récit de la figure iconique de la révolution cubaine à cette brève chronique, non linéaire, consacrée au business d'une prostituée de luxe. Cette lucrative occupation(5) sert en quelque sorte ici de figure emblématique du capitalisme, doctrine hégémonique confrontée à l'une de ses plus graves crises (d'identité) depuis son émergence. La consolidation des acquis, face au probable tsunami économique déclenché par le séisme financier, et la tentative de résolution de ses intimes contradictions résonnent (raisonnent) comme un light motive obsessionnel tout au long du métrage. Il flotte comme un parfum de Sex, Lies, and Videotape, mais ce film-là n'a rien d'un authentique drame de mœurs. Il interroge plutôt le spectateur sur la profonde et dérangeante duplicité du monde contemporain. L'étrange absence d'amour sous toutes ses formes, dans un tel film, interpelle plus vivement que celle de sexe (c'est surtout de la nourriture que l'on "consomme" !). Incompatible avec le modèle dominant ?
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1. 880k$ de recettes mondiales (dont près de 80% aux Etats-Unis) contre 145k$, soit la moitié du budget de 1,7M$.
2. deux des adaptateurs du roman de John Grisham, Runaway Jury, et co-sénaristes d'Ocean's Thirteen.
3. actrice de l'industrie vidéo-pornographique dans près de 200 films depuis 2006, mannequin et admiratrice d'Anna Karina.
4. l'artistico-héroïco-transgressif Man on Wire évoqué avec préméditation !
5. traitée sur un mode évidemment bien moins romanesque que ne le fit en son temps Just Jaeckin à partir de l'ouvrage de Jacques Quoirez, le frère cadet de Françoise Sagan.

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