jeudi 24 décembre 2009

The Bigamist (bigamie)


"What was in your mind? Did you think you could live this life for a lifetime?"

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Collier Young a-t-il pu trouver matière pour ce film dans sa propre situation matrimoniale ? Signataire du scénario de cet inusité et intéressant drame sentimental, l'ex-époux d'Ida Lupino et nouveau mari de Joan Fontaine se serait, selon toute vraisemblance, contenté d'adapter l'histoire imaginée pour partie par Larry Marcus (Dark City, Witness for the Prosecution). L'une des principales vertus de The Bigamist, sur le thème transgressif de l'infidélité traité ici avec une relative gravité(1), réside assurément dans la sincérité et la sobriété du propos. Sans recours aux poncifs ou, comme par exemple dans l'adaptation par Dmytryk du The End of the Affair de Graham Greene, de point de vue moralisateur.
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Candidats à l'adoption, Eve Graham et son époux Harry sont reçus en entretien préliminaire par le responsable du service de San Francisco. Bien que le couple, marié depuis huit ans, semble parfaitement remplir les conditions, Mr. Jordan demeure dubitatif à l'égard du mari. Il a, en particulier, remarqué son irritabilité et sa brève hésitation à signer l'autorisation d'enquête. Après avoir examiné l'appartement des Graham, Jordan obtient de très bons renseignements de la part de l'ancien employeur d'Harry. Puis il se rend dans les bureaux ouverts deux ans auparavant par celui-ci à Los Angeles, sa zone de démarche commerciale. Sur un coupe-papier offert à Graham, Jordan découvre un autre prénom : Harrison. La secrétaire lui ayant, après vérification, affirmé que son patron n'était pas récemment descendu dans l'un de ses hôtels habituels, le fonctionnaire se présente à l'adresse d'un Harrison Graham trouvée dans l'annuaire. Harry accueille avec surprise son inattendu visiteur et parvient à écourter la conversation lorsque les pleurs d'un nourrisson retentissent dans la maison. Ayant convaincu Jordan de renoncer à appeler la police, l'homme, pris en défaut, avoue sa bigamie et relate les circonstances à l'origine de son incroyable situation.
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Psychiquement compréhensible pour certains psychanalystes, "faute de goût" étrangement punie chez Ambrose Bierce mais réprimée par le code pénal(2), la bigamie se révèle presque aussi rare dans les prétoires (la très récente inculpation d'un avocat dracénois tenant probablement lieu d'exception qui confirme la règle !) qu'à l'écran. Après Edmond O'Brien, seul Marcello Mastroianni s'est vu à tort et moins dramatiquement affublé de ce titre chez Luciano Emmer. La cohérence scénaristique et l'interprétation solide des quatre acteurs principaux constituent pourtant des arguments indéniables en faveur de The Bigamist. Unique rencontre à l'écran de Joan Fontaine, dans son dernier grand rôle au cinéma, de la bivalente Ida Lupino et d'Edmond O'Brien, il bénéficie également de la présence d'Edmund Gwenn, "oscarisé" par la grâce de Miracle on 34th Street (évoqué dans la scène de l'autobus), et de la qualité de la lumière réglée par George E. Diskant (They Live by Night, The Narrow Margin). Ensuite exclusivement employée par la télévision, la réalisatrice ne dirigera la professe comédie The Trouble with Angels, son dernier film, que douze ans plus tard.
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1. avec The Seven Year Itch, sorti deux ans plus tard, Billy Wilder lui préférera évidemment le ton de la comédie.
2. en France, le délit est passible d'un an d'emprisonnement et de quarante-cinq mille euros d'amende.

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