lundi 28 décembre 2009

Anshitsu (la chambre noire)


"Guérir de quoi ?"

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Au cours des années 1980, la production de Pinku eiga est prise en étau par deux nouvelles contraintes. D'abord, la récente concurrence exercée par la vulgarisation de la vidéo domestique. Dès 1982, la part de marché du segment "adulte" de cette dernière atteint déjà celle du film érotique diffusé en salles. Lui-même soumis, à partir de 1984, à un renforcement des restrictions censoriales. Avant de rendre définitivement les armes, les studios, pour enrayer la chute des profits de la branche, essaient d'autres pistes que celles explorées jusque-là. Anshitsu, sorti avant le resserrement du contrôle par l'Erin (Eiga Rinri Kanri Iinkai, organe de régulation du cinéma nippon), s'inscrit dans cette démarche. Adapté du roman de Junnosuke Yoshiyuki paru en 1969 et récompensé par le "Prix Tanizaki", ce long métrage de plus de deux heures affiche, au moins sur le principe, des ambitions plus rigoureuses et intellectuelles.
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Le romancier Shuichi Nakada se remémore, à l'occasion de la rédaction d'un nouvel ouvrage, un événement intervenu plus de dix ans auparavant. A cette époque apprenti-écrivain mais cantonné à du journalisme de bas étage, il avait un soir reçu la visite de son camarade Yamanoi, venu lui demander conseil. Connaissant sa lubricité, Nakada l'avait soupçonné d'être arrivé avant lui pour entreprendre sa jeune épouse Keiko. Enceinte un mois plus tard, celle-ci était enjointe par son mari d'avorter pour la troisième fois. Veuf à la suite du décès de Keiko dans un accident de la route mais artiste enfin reconnu, Nakada était devenu l'amant d'une professeur d'ikebana, Moriya, ignorant le secret amour que lui vouait sa jeune secrétaire Yumi. Il avait ensuite rencontré Natsue, une inconnue aperçue dans un supermarché en compagnie de son partenaire, laquelle s'était assez vite abandonnée à lui avec une ivresse incontrôlable. Puis, dans un bar où il s'était rendu avec l'ex-romancier Yamanoi devenu articlier sous le nom de Toru Tsunoki, Nakada avait fait la connaissance de Maki, une jeune lesbienne. Parmi les femmes qui peuplaient alors son existence, c'est cette dernière qu'il avait emmené aux funérailles de son confrère et ami Watanabe.
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"La banalité a vaincu la tragédie." Une formule, lancée un peu à l'emporte-pièce par le personnage central du film(1), qui énonce assez bien la dialectique essentiellement psychologique d'Anshitsu. Bouleversé par, et dans le même temps, libéré de l'objet de sa jalousie primitive, Nakada assume son statut de consommateur tardif mais exclusif d'un sexe sans bonheur. Ce qui frappe chez cet écrivain, dont l'expression des sentiments est censée constituer la matière première, c'est l'absence de toute réelle affectivité autre que corporelle. Ce faux prétendant préfère se réfugier en permanence dans un simulacre d'explication de ses actes, ses motivations profondes demeurant en permanence énigmatiques. Ce flou fantasmatique(2) donne au film une abstraction susceptible de lui nuire auprès d'une partie du public, surtout stimulé par la "charge" érotique du récit. De plus, la réalisation de Kiriro Urayama, qui n'est pas un spécialiste du genre(3), le démarque sensiblement du Roman poruno habituel. Un possible handicap pour les amateurs hardcore, une plaisante distinction pour les autres.
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1. sorte de double fictionnel de Junnosuke Yoshiyuki.
2. traumatique chez Maki, occasion pour Nakada de faire référence à Marnie.
3. et dont le premier film Kyupora no aru machi fut sélectionné à Cannes en 1962.

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