mercredi 14 octobre 2009

La Voleuse


"Je ne suis pas malheureuse, ce n'est pas ça... C'est le contraire."

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Premier long métrage de Jean Chapot (plus connu pour le suivant, Les Granges brulées), La Voleuse conserve à tort, plus de quarante ans après, sa réputation de mélodrame froid et désincarné* ayant connu lors de sa sortie un échec critique et commercial. Cette coproduction franco-germanique ne manque pourtant pas d'atouts. Un scénario à la fois simple et cérébral mais abouti, recelant parfois une vigueur proche de celle d'un thriller, une réalisation épurée et efficace ainsi qu'un trio d'acteurs solide. Le film marque aussi un tournant dans la carrière de Romy Schneider (qui venait de refuser d'être Anne dans Un Homme et une femme) en tenant le premier de ses huit rôles aux côtés de Michel Piccoli.
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Six après les faits, Julia Kreuz confesse à son époux Werner avoir abandonné son bébé de père inconnu. La jeune femme, alors célibataire âgée de dix-neuf ans, ne se sentait pas prête à assumer cette maternité et avait confié l'enfant à un couple stérile, les Kostrowitz. Malgré le soutien, les arguments, les menaces puis la séquestration de Werner, le soudain malaise de Julia tourne à l'obsession. Elle cesse de travailler, tente d'apercevoir de plus en plus souvent, près de chez lui ou à l'école, son fils Carlo, de lui offrir des cadeaux. Elle finit par s'installer dans un appartement proche de la maison où il réside. D'abord furieux, Radek Kostrowitz, modeste ouvrier de l'industrie métallurgique, découvre avec inquiétude, parce qu'il a omis de l'adopter, ne posséder aucun véritable droit juridique sur l'enfant.
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La gravité du sujet développé par La Voleuse (intitulé "Schornstein Nr. 4", i.e. cheminée n°4, en Allemagne) n'échappe évidemment à personne. Le scénario l'explore avec nuance et intelligence sous l'angle psychologique et social sans prétendre vouloir formuler de réponse définitive. La renaissance rédemptrice espérée par Julia Kreuz mute assez vive en une irréversible entreprise de sape (senti)mentale pleine de contradictions**. L'influence, constante et presque subliminale, de l'opinion publique enrichit également cette formidable vergence de dialogues de sourds. Pièce maîtresse du dispositif narratif, Romy Schneider possède et met ici en jeu tous les attributs (de force et de vulnérabilité) grâce auxquels elle deviendra l'une des actrices les plus essentielles de la seconde moitié du XXe siècle. La "maturité" du couple formé avec Michel Piccoli (époux la même année de Jane Fonda dans un autre drame triangulaire, La Curée), semble, étrangement, d'ores et déjà atteinte. La sublime Viennoise et le Hessois Hans Christian Blech seront enfin une seconde fois réunis pour les besoins de l'adaptation des Innocents aux mains sales de Claude Chabrol.
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*édité en roman-photo par le mensuel "Mon film" en juin 1967.
**"Je t'aime mais je pourrais te tuer !", "Comme tu ne m'es pas encore indifférente, je ne peux que te haïr. Tu comprends ?"

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