vendredi 23 octobre 2009

Holocaust (holocauste)


"What else can you do to us?"

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Suivi par près d'un téléspectateur sur deux lors de sa diffusion sur la chaîne NBC entre le 16 et le 19 avril 1978 (plus d'un tiers en Allemagne de l'ouest en janvier 1979), Holocaust était devenu, surtout outre-Atlantique, une sorte de référence sur la tragédie vécue par les Juifs d'Europe dès l'instauration du troisième reich, et notamment l'élaboration de la "solution finale". Spécificité occultée au moins jusqu'au procès d'Adolf Eichmann en 1961, soit vingt ans après sa mise en œuvre par Hermann Göring et Reinhard Heydrich, seize ans après la défaite du régime nazi et la découverte des funestes camps de concentration. La mini-série produite par Robert Berger et écrite par Gerald Green reçut d'ailleurs huit "Emmy Awards"(1) (sur quinze nominations) et contribua à la révélation d'une actrice exceptionnelle, Meryl Streep (titulaire la même année d'un second rôle dans The Deer Hunter).
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Le sujet avait certes été abordé ou développé par d'autres films. To Be or Not to Be de Lubitsch l'évoquait dès 1942 dans une réplique mémorable(2), The Seventh Cross (1944) de Fred Zinnemann relatait la traque de sept évadés d'un camps, The Stranger (1946) d'Orson Welles contenait les premières archives d'un vernichtungslager. Sans oublier les documentaires tournés après la guerre par Billy Wilder, George Stevens, Alfred Hitchcock ou encore Nuit et brouillard d'Alain Resnais... dont le commentaire ne mentionne jamais la majoritaire judéité des victimes. Mais Holocaust avait la particularité de lui être consacré ainsi que l'ambition, par son format, de toucher le plus grand nombre.
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La dimension "pédagogique" de cette fiction n'a cependant pas tardé à être contestée(3). Le long téléfilm de Marvin J. Chomsky, à la tonalité ouvertement mélodramatique, vise en effet davantage l'émotion que la réflexion, manquant également (évidemment ?) de réalisme et de subtilité. Sous-titré "The Story of the Family Weiss", il réussit néanmoins à mettre en évidence, à travers la métamorphose du paisible époux et père de famille Erik Dork en opportuniste, crapule puis dément (une ambiguë finale inflexion narrative), la terrifiante mécanique d'extermination et de perte d'humanité. Holocaust a enfin contribué à l'introduction en 1980 du vocable(4) dans la langue allemande et l'allongement outre-Rhin du délai de prescription pour les criminels nazis.
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1. meilleurs série, scénario, réalisation, acteurs (Meryl Streep, Michael Moriarty aussi gratifié d'un "Golden Globes" et Blanche Baker), montage et costumes. Marvin J. Chomsky obtint également un Directors Guild of America Award, Rosemary Harris un "Golden Globes".
2. "So they call me Concentration Camp Ehrhardt?" prononcé plusieurs fois par Jack Benny alias Josef Tura déguisé en colonel Ehrhardt.
3. par Primo Levi, Elie Wiesel ou Claude Lanzmann, auteur du monumental Shoah qui déclarait à propos de Schindler's List : "L'Holocauste est d'abord unique en ceci qu'il édifie autour de lui, en un cercle de flamme, la limite à ne pas franchir parce qu'un certain absolu d'horreur est intransmissible : prétendre le faire c'est se rendre coupable de la transgression la plus grave. La fiction est une transgression, je pense profondément qu'il y a un interdit de la représentation. En voyant "La Liste de Schindler", j'ai retrouvé ce que j'avais éprouvé en voyant le feuilleton "Holocauste". Transgresser ou trivialiser, ici c'est pareil : le feuilleton ou le film hollywoodien transgressent parce qu'ils "trivialisent", abolissant le caractère unique de l'Holocauste."
4. du grec holos "en entier" et kaustos "brûler", emploi contradictoire puisqu'il désigne une offrande rituelle dans la traduction de l'"Ancien Testament"

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