dimanche 23 août 2009

Odds Against Tomorrow (le coup de l'escalier)


"Tu l'as dit, c'est un coup de dés. Peu importe leur couleur..."

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Formidable et éclectique Robert Wise ! Avant d'inaugurer la troisième décennie de sa carrière de réalisateur en révolutionnant la comédie musicale, l'ancien monteur(1) adaptait en compagnie du blacklisté Abraham Polonsky l'un des polars de l'ancien reporter criminel William P. McGivern (The Big Heat, Rogue Cop). Co-produit par Harry Belafonte, initiateur du projet et acteur principal du film, apprécié par l'écrivain James Ellroy comme par le cinéaste Jean-Pierre Melville(2), Odds Against Tomorrow apparaît pour plusieurs raisons comme un film noir tardif, à la fois insolite et intrigant.
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Par une matinée venteuse, Earle Slater se rend chez Dave Burke. Celui-ci, révoqué de la police new-yorkaise, souhaite proposer à son cadet, condamné à deux reprises, une affaire susceptible de lui rapporter cinquante mille dollars. L'ex-flic propose juste après la même opération à l'élégant Johnny Ingram, turfiste malchanceux et débiteur d'un montant de sept mille cinq cents dollars vis-à-vis de Bacco. Après avoir repéré la banque et envisagé les modalités générales du hold-up avec Burke, Slater préfère d'abord renoncer plutôt que d'être associé à un Noir. Mais il se ravise bientôt, ne supportant plus de vivre aux crochets de sa compagne Lorry. Lorsque Bracco menace, en cas de défaut prolongé de remboursement, de s'en prendre à son ancienne épouse et à sa fille, Ingram n'a pas d'autre choix que d'accepter de participer au braquage.
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Nommé aux Golden Globes 1960 pour sa "promotion de la compréhension internationale", Odds Against Tomorrow fait en effet du racisme l'un des ressorts déterminants de la narration(3). Mais, quatre ans après Kiss Me Deadly, c'est pourtant l'anxiété apocalyptique qui semble encore frapper sournoisement les esprits, pris en ciseau entre la récente victoire de la rébellion castriste et la toute première visite officielle d'un dirigeant soviétique(4). La psychologie des deux principaux protagonistes occupe d'ailleurs une place fondamentale dans le film. Le scénario accentue le pessimisme, le fatalisme de cette désespérée tentative de sauvetage triangulaire, soulignant ainsi sa dimension de film noir. L'identité visuelle apportée par le directeur de la photographie Joseph C. Brun, en particulier le traitement esthétique des lieux et la présence de Robert Ryan (dans son second film avec Robert Wise après The Set-Up) et les apparitions de Shelley Winters (second rôle dans Executive Suite) renforcent évidemment cette impression. Moins étourdissant que The Killing de Stanley Kubrick auquel il peut aisément être comparé, Odds Against Tomorrow mérite cependant toute notre attention cinéphilique.
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1. de William Dieterle, de Garson Kanin et d'Orson Welles notamment.
2. qui rend un hommage symbolique au dernier film en noir et blanc (et au ratio standard) de Wise dans son Deuxième souffle.
3. et de la brûlante ironie de sa chute !
4. qui avait néanmoins rejeté, quelques mois plus tôt, la proposition du président Eisenhower d'interdire tout essai nucléaire.




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