dimanche 16 août 2009

Kokoro (le pauvre cœur des hommes)


"La pensée est sans valeur si elle n'est pas liée au passé."

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Bien qu'il ait débuté sa carrière au milieu des années 1940*, Kon Ichikawa est surtout (re)connu pour ses réalisations des décennies suivantes. Lorsqu'il adapte en 1954 le roman publié quarante ans plus tôt par Soseki Natsume, l'un des plus fameux auteurs de l'ère Meiji, Ichikawa possède déjà près de trente films à son actif, pour la plupart des comédies ou des mélodrames vaudevillesques produits par la Toho ou la Shin-Toho. Première direction au sein d'une Nikkatsu renaissante (éclectique et dissidente) pour le cinéaste, Kokoro lui offre l'opportunité de changer de registre. Ce drame subtil, proche de ceux signés par ses aînés Kenji Mizoguchi et Yasujiro Ozu, assume d'ailleurs parfaitement son statut d'œuvre classique... au meilleur sens du terme.
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Tokyo, avril 1912. Sur le point de se recueillir comme tous les mois sur la tombe de son ami Kaji, le professeur Nobuchi rompt avec son habitude en proposant en vain à son épouse Shizu de l'accompagner. Mariés depuis treize ans, tous deux semblent avoir renoncé au bonheur ; Shizu reprochant même à son mari de chercher à l'éviter. Dans le cimetière, Nobuchi est rejoint par Hioki, un étudiant venu lui emprunter des ouvrages pour la rédaction de sa thèse. Ayant progressivement gagné la confiance du couple, ce dernier cherche alors à comprendre la raison de la morosité et de la solitude de Nobuchi.
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Situé au crépuscule final de l'ère Meiji, Kokoro est une tragédie fataliste, mélancolique sur laquelle plane sans cesse la mort, la trahison et la culpabilité. Une complexité interactive d'emblée suggérée par celle du titre du roman** et de son adaptation qui conserve à peu près la structure originelle en trois actes. La mise en scène de Kon Ichikawa, intelligente et délicate, sait à la fois rester fidèle au texte et s'en affranchir sur le plan formel pour apporter au récit une ampleur spécifique. Acteur de Kurosawa, de Mizoguchi et de Naruse notamment, Masayuki Mori réussit avec éloquente sobriété à traduire la muette détresse du personnage principal aux côtés des convaincants quoique presque débutants Michiyo Aratama (Ningen no jôken) et Shôji Yasui ainsi que de l'énigmatique Tatsuya Mihashi.
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*si l'on excepte le court métrage d'animation Kachikachi yama sorti en 1934.
**qui peut être traduit par cœur mais aussi par centre, essence ou encore sentiment.

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