dimanche 5 juillet 2009

Frozen River


"Just in case!"

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Si elle n'a jamais plaidé en justice, l'ex-avocate Courtney Hunt* prouve avec ce (tardif) premier long métrage son évidente compétence à le faire à l'aide d'une caméra. Frozen River ressemble d'ailleurs fort, en droit, à une commission d'office pour une affaire a priori perdue d'avance : celle qui révèle la motivation et l'investissement réelle et personnelle du juriste, l'aptitude à se concilier le jury populaire... malgré une rémunération dérisoire. En revanche, le choix du sujet et du traitement du film appartiennent pleinement à la cinéaste native de Memphis. C'est à dire un scénario original et intelligent, suscité par la situation juridique particulière des territoires indiens à la frontière canado-étasunienne, mis en images et en dialogues au moyen d'une réalisation "brute de décoffrage". Une austérité à laquelle le jury du Sundance Film Festival n'a pas hésité à apporter son suffrage en choisissant Frozen River pour succéder à Padre Nuestro au palmarès de son "Grand prix" (dramatic).
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Massena** (Etat de New York). Pour la seconde fois, Ray Eddy voit la livraison de sa nouvelle et plus grande maison préfabriquée différée. La somme réunie, un peu plus de quatre mille dollars, pour solder l'acquisition a en effet été subtilisée par Troy, son mari joueur compulsif. Cette mère de deux enfants, Ricky âgé de cinq ans et Troy Jr. quinze ans, et employée à mi-temps dans un bazar de la ville risque de perdre l'acompte versé si la transaction n'était pas finalisée avant Noël. Elle part alors à la recherche de son époux et retrouve la Dodge Spirit verte avec laquelle il est parti sur le parking d'un établissement de jeu. En suivant le véhicule, Ray arrive devant la petite caravane où vit une indienne mohawk qui affirme avoir trouvé la voiture abandonnée. Menacée par un revolver, celle-ci restitue les clefs à Ray mais lui propose un acheteur potentiellement intéressé par la Dodge. Pour cela, il faut traverser la frontière canadienne en passant sur un fleuve gelé en territoire mohawk. Arrivée à destination, Ray se laisse convaincre par sa passagère, nommée Lila Littlewolf, et la promesse de mille deux cents dollars, de rentrer aux Etats-Unis avec deux ressortissants chinois dans le coffre.
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"Live the dream" promet un dépliant publicitaire au détour du film. Et l'on se dit que le fameux rêve américain tourne aujourd'hui bien souvent au cauchemar. A l'image de celui que doivent vivre les cinéastes indépendants pour produire leur film, et en particulier le premier. Il a dû falloir beaucoup d'opiniâtreté à Courtney Hunt (munie de son resume peu orthodoxe !) pour mobiliser le demi-million de dollars nécessaire au tournage de Frozen River. Le film emporte l'adhésion grâce aux qualités de ce récit sporadiquement thrillisant, drames familiaux croisés, à la belle et simple concision du scénario, au dépouillement de la mise en scène. Et, par-dessus tout, à l'évidente sincérité et universalité du projet. Frozen River mérite d'ailleurs bien sa carrière à travers les festivals internationaux. Et Melissa Leo (Homicide: Life on the Street, second rôle dans 21 Grams) ses différents prix d'interprétation et sa nomination aux Academy Awards.
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*et étudiante en sciences politiques à Paris pendant deux ans.
**qui doit son nom au maréchal d'empire napoléonien... brièvement contrebandier avant d'entrer dans la garde nationale !

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