jeudi 28 mai 2009

Electra Glide in Blue


"Looks like you step in a little community relation."

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Unique film réalisé par James William Guercio* (producteur notamment de Blood, Sweat, and Tears et des neuf premiers albums du groupe Chicago), cette comédie dramatique et policière s'inscrit dans une mouvance. Celle dans laquelle l'ont précédé Coogan's Bluff et The New Centurions où la désillusion et le mal-être deviennent des thèmes significatifs du scénario. Présenté en compétition à Cannes en 1973, Electra Glide in Blue permit à Robert Blake d'obtenir la première de ses trois nominations aux "Golden Globes".
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Plus petit (par la taille) policier de la brigade motorisée d'une modeste ville d'Arizona, John Wintergreen fait équipe avec son ami Zipper, lecteur assidu de bandes dessinées, à l'abri du soleil, pendant ses heures de patrouille. Sauf lorsqu'il s'agit, par exemple, d'astiquer un hippie propriétaire d'un van bariolé. Pas aussi vaillant dans sa mission que dans sa relation avec Jolene, la serveuse du bar, Wintergreen nourrit toutefois une bien improbable ambition, être muté à la police criminelle. Poursuivant un fuyard dans une plaine désertique, il reconnaît Willie, un individu ne possédant plus toute sa raison, visiblement perdu et effrayé qui lui apprend le suicide de son ami Frank. Dans la cabane de la victime, Wintergreen s'oppose vivement au médecin-légiste en soutenant la thèse d'un meurtre déguisé, bientôt partagée par l'inspecteur des Homicides Harve Poole qui lui propose de devenir son chauffeur.
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"L'incompétence est la pire des corruptions." Ce deuxième scénario co-signé par Robert Boris (Blood Feud, téléfilm dans lequel Robert Blake tenait le rôle du syndicaliste Jimmy Hoffa) et Rupert Hitzig (producteur de Wolfen), tiré d'un fait divers, manque certes un peu de matière narrative. Pour autant, Electra Glide in Blue, sorte de western motorisé et expérimental (Whiteploitation ?), n'en demeure pas moins intéressant. Influencé à la marge par le phénomène Easy Rider, il laisse en effet transparaître les souvenirs d'enfance de James William Guercio, issu d'une lignée paternelle de projectionnistes, pour le cinéma de John Ford et d'Howard Hawk. La volonté d'associer au projet le fameux chef opérateur Conrad L. Hall (récemment oscarisé pour Butch Cassidy and the Sundance Kid) répond aussi sans doute à cette exigence formelle. La période semblait propice aux motards de la police puisque, précédant de peu le lancement de la série CHiPs, le film était à l'affiche la même année que Magnum Force, deuxième volet de la franchise "Dirty Harry" dans lequel ils tenaient un rôle important. Deux ans avant d'accéder à une tardive notoriété grâce à l'inspecteur Tony Baretta, l'expérimenté Robert Blake, à l'opposé de sa prestation dans In Cold Blood, réussit à apporter une certaine dimension à son ambivalent personnage au milieu d'un casting réunissant quelques jolies individualités.
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*il produira en 1981 la comédie Second-Hand Hearts d'Hal Ashby également avec Robert Blake.




Trouble in Mind (wanda's café)


"... Le hic... c'est d'y croire longtemps."

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Dans l'immédiate foulée de Choose Me, autre drame sentimental avec Geneviève Bujold et Keith Carradine parmi les rôles principaux, Alan Rudolph écrit et réalise Trouble in Mind, vaguement inspiré de la chanson éponyme enregistrée en 1926 par le pianiste de jazz Richard M. Jones* accompagné de Louis Armstrong. Comme le précédent film, ce faux polar modal, voire curieusement atonal, procède et se développe à partir de la rencontre de marginaux instables. Par l'esprit et par la forme plus que par la narration, il n'est pas si éloigné de La Lune dans le caniveau, de Subway ou de Mauvais sang sortis à peu près à la même époque. Un an avant celui-ci, Trouble in Mind était d'ailleurs candidat à l'"Ours d'or" de la Berlinale où il recevait le prix de la C.I.C.A.E.**
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Ancien inspecteur, John Hawkins sort de prison où il a purgé une peine pour le meurtre d'un gros malfrat. 'Hawk' retourne chez sa vieille amie Wanda, propriétaire d'un café, qui met aussitôt à sa disposition l'un des appartements situés au-dessus de son commerce. Après avoir rendu visite à son ex-patron, le lieutenant Gunther, hostile à lui confier un job, 'Hawk' y rencontre Rambo, porteur d'une proposition de rejoindre le gang de son patron, le puissant Hilly Blue. Le camping-car de Coop, de sa compagne Georgia et de leur bébé Spike se gare peu après à proximité du "Wanda's Cafe". L'individu, employé précaire près à tout pour trouver rapidement de l'argent, s'associe avec l'un des clients du café pendant que Georgia suscite l'intérêt de Wanda et de 'Hawk'.
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Dans presque tous ses films, Alan Rudolph aime à mettre en scène des individus solitaires, excentriques. Une caractéristique que l'on retrouve encore une fois dans Trouble in Mind aux ambiances poético-romantiques, baroques et post-modernes à la fois. Située dans une Rain City (à laquelle Seattle prête ses extérieurs) intemporelle et martiale, cette histoire rappelle étrangement Alphaville de Jean-Luc Godard, "Ours d'or" 1965. Mélancolique et pourtant ancré dans une farouche immédiateté ("The past just don't matter, tomorrow won't mind"***), le scénario imaginé par le protégé de Robert Altman, son assistant sur The Long Goodbye, surprend par ses ruptures, ses longueurs et raccourcis sans convaincre vraiment. Titulaire du rôle de Blackie Buck dans Songwriter, drame musical tourné par Rudolph juste après Choose Me, Kris Kristofferson participe pour beaucoup au charme du film aux côtés de Lori Singer, future violoncelliste dans le collégial Short Cuts d'Altman et que l'on reverra notamment dans le gémellaire Equinox.
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*reprise près d'un millier de fois, notamment par Aretha Franklin, Janis Joplin ou Jeff Beck.
**Confédération Internationale des Cinémas d'Art et d'Essai Européens.
***in "El Gavilán" (the hawk, le faucon).