lundi 20 octobre 2008

Lord of the Flies (sa majesté des mouches)


"Qui veut se joindre à ma tribu ?"

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Troisième réalisation et première véritable adaptation de la courte filmographie de Peter Brook, Lord of the Flies est tiré du premier et surprenant roman, publié en 1954, de son compatriote William Golding. Le metteur en scène britannique, qui allait peu après être nommé à la tête de la Royal Shakespeare Company, avouait avoir surtout été séduit par l'idée de pouvoir, à partir d'un budget modeste (environ deux cent cinquante mille dollars) et sur une plage (portoricaine), utiliser les facultés d'improvisation de ses jeunes acteurs débutants. Difficile tout de même de penser qu'il ait été insensible aux idées essentielles développées dans l'ouvrage. Lord of the Flies lui offrait en tout cas l'occasion de retourner une seconde fois en compétition sur un autre rivage nettement plus fréquenté, celui bordé par la Croisette, trois ans après son précédent et très dissemblable film, le drame franco-italien et surtout durassien Moderato cantabile.
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Un groupe d'enfants britanniques, rescapés de l'accident de leur avion, se retrouvent sur une terre déserte et sauvage qui se révèle être une île. Privés d'adulte, rationnels grâce à leur bonne éducation, ils commencent par élire un chef. Ralph l'emporte assez nettement face à Jack, le meneur de ses camarades choristes qui se console en prenant la responsabilité de la chasse. Ils ont ensuite l'idée d'allumer, à l'aide des lunettes de l'enrobé et asthmatique 'Piggy', un feu au sommet d'une colline grâce auquel ils espèrent être repérés par un avion ou un navire. Mais la nuit approchant, un sentiment naturel réussit à s'imposer : la peur. D'autant que deux des plus jeunes d'entre eux ont cru apercevoir une bête effrayante.
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Sous la fausse apparence d'un récit naturaliste, Lord of the Flies n'est autre qu'une remarquable, stupéfiante fable philosophique. Celle-là même qu'imaginait dans son "Leviathan", trois siècles plus tôt, Thomas Hobbes, premier penseur à avoir formalisé et illustré le concept d'état de nature (que reprendrons après lui John Locke et Jean-Jacques Rousseau notamment). La puissante nouveauté introduite par le roman, influencé par la guerre froide et le péril atomique, puis par le film étant évidemment qu'ils mettent en scène des enfants, de surcroît issus de milieux aisés et cultivés. D'abord démocratiquement divisée pour le choix d'une autorité, la petite communauté, observée comme le ferait un entomologiste, va peu à peu radicalement se scinder autour de questions fondamentales, celles de l'alimentation ou de la protection (impératif de survie physique au détriment de celui de sauvetage). Bien contre mal, force exprimée par l'énigmatique titre du film, froide raison contre ferveur superstitieuse, Lord of the Flies souligne la fragilité ambiguë de la civilisation et sa naturelle, instinctive inclinaison vers la barbarie. Le jeune Hugh Edwards défend avec un réel talent la douloureuse figure de la maturité précoce. Seuls pourtant Nicholas Hammond (Robert) et James Aubrey (Ralph) ont poursuivi une carrière d'acteurs après cette singulière expérience. A noter enfin qu'une autre adaptation, moins réussie, du roman a été produite aux Etats-Unis, à la toute fin des années 1980, par le même Lewis M. Allen (Fahrenheit 451), réalisée par le Britannique Harry Hook.



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