dimanche 6 juillet 2008

Saibogujiman kwenchana (je suis un cyborg)


"Peut-on... échapper... aux lois de la gravité ?"

 - film - 47239_9
Seize mois seulement après avoir clôt sa trilogie de la vengeance, Park Chan-wook prenait le public à contre-pied en livrant d'abord dans son pays puis à la 57e Berlinale cet insolite et fantasque conte qui allait succéder à El Custodio de l'Argentin Rodrigo Moreno au palmarès du "Alfred Bauer Preis"*. Co-produit par Lee Chun-yeong, co-signé avec Jeong Seo-gyeong (déjà associés au cinéaste coréen sur Chinjeolhan geumjassi), Saibogujiman kwenchana ne possède en effet, à l'exception de la proximité de leur appellation internationale, presque aucun point commun avec Boku no kanojo wa saibôgu, le cinquième film de son compatriote Kwak Jae-young qui a connu un gros succès au Japon en mai dernier. Vu par environ huit cent mille spectateurs en Corée du Sud (soit moins du tiers de l'audience des précédents films), cet opus de Park est également resté assez confidentiel lors de son exploitation en salles françaises.
 - film - 47239_11
Ouvrière sur une ligne de montage de postes radio, Cha Young-goon opère sur son lieu de travail une recharge de son potentiel énergétique prise par le médecin pour une tentative de suicide. La jeune femme, élevée enfant par sa grand-mère qui se prenait pour une souris, est en effet persuadée d'être un cyborg. Internée dans un établissement spécialisé au milieu d'individus aux obsessions toutes très singulières, elle communique essentiellement avec les néons et le distributeur de boissons. Young-goon, désireuse de perdre sa compassion, insiste toutefois auprès du pongiste émérite Park Il-soon, devenu voleur compulsif depuis son abandon par sa mère, pour qu'il la lui dérobe.
 - film - 47239_13
"Il est plus important de croire que de savoir." Cette profession de foi (l'amour n'appartient-il pas à cet ordre ?), sur laquelle repose ce surprenant film, illustre assez bien l'univers complexe, parfois délirant de Park Chan-wook. Original, à bien des égards dérangeant, Saibogujiman kwenchana explore un irrationnel coloré par l'imaginaire infantile plus que par une perception démente. Il pose, sur un mode fantastico-poétique, la question essentielle du sens de l'existence, de l'intensité du déséquilibre "normatif" qu'elle peut parfois provoquer. Même si le cinéaste compare volontiers, en toute modestie, son septième long métrage à la 'petite' "Huitième symphonie" (en fa majeur, opus 93) de Ludwig van Beethoven (qui tranchait radicalement, par son apparente légèreté, avec les trois chefs-d'œuvre précédents), on y retrouve toutefois ses "fixations" thématiques (claustration, violence, manipulation, trahison) teintées de sa constante ironie cruelle. Le scénario lui laisse, en revanche, moins d'occasions d'exprimer sa virtuosité de réalisation, au profit d'une direction d'acteurs probablement plus exigeante. Les compositions de Lim Su-jeong (interprète de l'un des personnages-titre de Janghwa, Hongryeon vue plus récemment chez Kwon Jong-kwan et Lee Hwan-kyeong) et du chanteur et acteur de séries TV Jeong Ji-hoon alias Rain comptent d'ailleurs parmi les atouts du film.
___
*récompense (à la mémoire du fondateur du festival) attribuée aux films ouvrant de nouvelles perspectives à l'art cinématographique.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire