lundi 7 juillet 2008

It's a Free World...


"You know the old saying? Never return a favour, pass it on."

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Après une seconde incursion dans le passé historique, Ken Loach revenait dès l'année dernière aux affaires avec une histoire, signée par son acolyte Paul Laverty, motivée à nouveau par de contemporaines et brûlantes problématiques socio-politiques. Déjà au cœur de Bread and Roses ou de Ae Fond Kiss..., voire Carla's Song, l'immigration est ici traitée sous l'angle spécifique de l'exploitation des travailleurs étrangers. Sélectionné à la 64e Mostra, It's a Free World... y succédait (ironiquement) à The Queen au palmarès de l'"Osella d'oro" (prix du meilleur scénario).
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Renvoyée de l'agence de main-d'œuvre étrangère qui l'employait comme recruteuse, Angela, trentenaire britannique issue de milieu modeste, décide de se mettre à son propre compte en s'associant avec Rosie, son amie et colocataire. Avec l'aide d'un bistrotier qui met son arrière-cour à sa disposition et grâce à une motocyclette acquise à crédit, Angie démarche les entreprises, parmi lesquelles celle de Derek, où elle compte placer le personnel temporaire d'origine étrangère à la recherche d'un emploi qu'elle embauche à la journée. Rosie a bientôt la fructueuse idée de sous-louer un appartement aux ouvriers d'équipes tournantes d'une même usine. De son côté, Angie rencontre quelques difficultés avec la discipline scolaire de son fils Jamie, âgé de onze ans, confié jusque-là par la mère célibataire chez ses grands-parents.
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Amusante coïncidence, vingt-cinq ans avant It's a Free World..., Jerzy Skolimowski recevait lui aussi un prix du scénario (à Cannes) pour sa comédie dramatique sur l'immigration, Moonlighting, déjà co-produite par Channel Four Films. Le film de Ken Loach crée nettement moins d'empathie pour ses personnages, en particulier le principal, jeune femme sans une once d'angélisme (et de dignité humaine ?) et elle-même victime du système, décidée coûte que coûte de rompre avec la pauvreté. Derrière Angie, simple rouage d'une mécanique qui profite d'abord aux plus puissants et lèse de manière croissante les populations, mais aussi à travers le conflit de génération qui l'oppose à son père, c'est évidemment la société libérale dérég(u)lée, sans foi ni loi, et l'Etat britannique dirigé, rappelons-le, depuis plus de dix ans par le Labour (de quoi en perdre son englisc !) qui sont visés. De ce point de vue, It's a Free World... apporte une intéressante et utile contribution à un sujet peu débattu, stigmatisant la fragilisation du droit social à l'échelle européenne et au-delà, mettant également en jeu certains des délicats équilibres de notre civilisation occidentale. L'omniprésence, pleine de conviction, de Kierston Wareing, aperçue dans un épisode de Wire in the Blood, nuit un peu aux autres personnages et à l'équilibre général du scénario, une caractéristique néanmoins souvent relevée chez Loach.

dimanche 6 juillet 2008

Saibogujiman kwenchana (je suis un cyborg)


"Peut-on... échapper... aux lois de la gravité ?"

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Seize mois seulement après avoir clôt sa trilogie de la vengeance, Park Chan-wook prenait le public à contre-pied en livrant d'abord dans son pays puis à la 57e Berlinale cet insolite et fantasque conte qui allait succéder à El Custodio de l'Argentin Rodrigo Moreno au palmarès du "Alfred Bauer Preis"*. Co-produit par Lee Chun-yeong, co-signé avec Jeong Seo-gyeong (déjà associés au cinéaste coréen sur Chinjeolhan geumjassi), Saibogujiman kwenchana ne possède en effet, à l'exception de la proximité de leur appellation internationale, presque aucun point commun avec Boku no kanojo wa saibôgu, le cinquième film de son compatriote Kwak Jae-young qui a connu un gros succès au Japon en mai dernier. Vu par environ huit cent mille spectateurs en Corée du Sud (soit moins du tiers de l'audience des précédents films), cet opus de Park est également resté assez confidentiel lors de son exploitation en salles françaises.
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Ouvrière sur une ligne de montage de postes radio, Cha Young-goon opère sur son lieu de travail une recharge de son potentiel énergétique prise par le médecin pour une tentative de suicide. La jeune femme, élevée enfant par sa grand-mère qui se prenait pour une souris, est en effet persuadée d'être un cyborg. Internée dans un établissement spécialisé au milieu d'individus aux obsessions toutes très singulières, elle communique essentiellement avec les néons et le distributeur de boissons. Young-goon, désireuse de perdre sa compassion, insiste toutefois auprès du pongiste émérite Park Il-soon, devenu voleur compulsif depuis son abandon par sa mère, pour qu'il la lui dérobe.
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"Il est plus important de croire que de savoir." Cette profession de foi (l'amour n'appartient-il pas à cet ordre ?), sur laquelle repose ce surprenant film, illustre assez bien l'univers complexe, parfois délirant de Park Chan-wook. Original, à bien des égards dérangeant, Saibogujiman kwenchana explore un irrationnel coloré par l'imaginaire infantile plus que par une perception démente. Il pose, sur un mode fantastico-poétique, la question essentielle du sens de l'existence, de l'intensité du déséquilibre "normatif" qu'elle peut parfois provoquer. Même si le cinéaste compare volontiers, en toute modestie, son septième long métrage à la 'petite' "Huitième symphonie" (en fa majeur, opus 93) de Ludwig van Beethoven (qui tranchait radicalement, par son apparente légèreté, avec les trois chefs-d'œuvre précédents), on y retrouve toutefois ses "fixations" thématiques (claustration, violence, manipulation, trahison) teintées de sa constante ironie cruelle. Le scénario lui laisse, en revanche, moins d'occasions d'exprimer sa virtuosité de réalisation, au profit d'une direction d'acteurs probablement plus exigeante. Les compositions de Lim Su-jeong (interprète de l'un des personnages-titre de Janghwa, Hongryeon vue plus récemment chez Kwon Jong-kwan et Lee Hwan-kyeong) et du chanteur et acteur de séries TV Jeong Ji-hoon alias Rain comptent d'ailleurs parmi les atouts du film.
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*récompense (à la mémoire du fondateur du festival) attribuée aux films ouvrant de nouvelles perspectives à l'art cinématographique.




Nan Shao Lin yu bei Shao Lin (la fureur shaolin)


"... Combien vaut la vie d'un héros."

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A la recherche d'instructeurs pour son armée, un général mandchou a réuni sous la contrainte des représentants de Shaolin du Sud et du Nord. Ces derniers, Bao Shangxiong, Xu Fang et Yang Zhongfei, défont en combat singulier les premiers avant qu'ils ne soient tués par l'officier supérieur ennemi. Les corps sont ramenés par le capitaine Hua Shun au vieux maître Mai Qi. Celui-ci désigne trois autres de ses disciples, Yuan, Di Li et Nu Qiang pour les remplacer et les venger. Seul rescapé de cette seconde joute, Nu Qiang, blessé, se suicide. Maître Mai confie alors son fils Feng à Maître Liang dit 'le Jardinier' pour faire auprès de lui l'apprentissage de la technique Yongchun.
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Vengeance, complot, traîtrise, opposition de styles et surtout apprentissage sont au cœur de cette intrigue qui s'offre également quelques ponctuelles incursions dans la comédie. Dans l'esprit, Nan Shao Lin yu bei Shao Lin n'égale certes pas Shao Lin san shi liu fang de Liu Chia-liang sorti la même année. Mais le scénario parvient à ménager une certaine tension dramatique, plaçant le spectateur en situation de suspension à propos de la résolution de cette funeste machination. Jolie prestation de la distribution masculine (la double tierce Lu Feng, Sun Chien, Chiang Sheng, Philip Kwok Chung Fung, Lo Meng et Wai Pak complétée par Johnny Wang Lung Wei) et des trois seconds rôles féminins Kara Hui Ying Hung, Niu Niu et Yau Chui Ling.