mercredi 11 juin 2008

Il Giardino dei Finzi-Contini (le jardin des finzi-contini)


"Je tiens à trop de choses, là-bas. Je ne peux pas tout emporter."

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La chute de la Repubblica di Salò en avril 1945 n'a pas marqué la fin du fascisme en Italie. Quelques rescapés du régime mussolinien lui donnaient même, dès décembre 1946, une nouvelle façade politique, suscitant parallèlement des vocations et organisations extrémistes dont les actions terroristes à la fin des années 1960 ont d'ailleurs précédé celles de leurs "célèbres" pendants gauchistes. Longtemps occultée, comme celle de la collaboration en France*, l'analyse du système totalitaire italien s'élabore au cours de la décennie 1970 grâce notamment aux travaux de l'historien Renzo De Felice (puis de son élève Emilio Gentile).
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Le cinéma s'empare aussi du sujet, notamment à travers Il Conformista (également avec Dominique Sanda) de Bernardo Bertolucci et Il Giardino dei Finzi-Contini, sortis à quelques semaines d'intervalle. Vittorio De Sica, mu par de saines raisons pédagogiques (voir anecdote), reprend un projet porté puis abandonné par Valerio Zurlini, auteur d'Estate violenta situé en juillet 1943, c'est à dire précisément à la fin de la période couverte par celui-là. Librement adaptée du roman autobiographique (le troisième des six ouvrages du cycle "Il Romanzo di Ferrara") de l'écrivain et scénariste Giorgio Bassani paru en 1962, cette co-production italo-germanique est, après avoir reçu l'"Ours d'or" 1971 et l'"Oscar" du meilleur film étranger l'année suivante, devenue et restée une œuvre d'une haute importance historique et artistique.
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Ferrare, 1938. Micòl et Alberto, les enfants de la vieille et riche famille Finzi-Contini, reçoivent dans leur vaste propriété un groupe de jeunes gens, parmi lesquels Giorgio, Bruno Lattes et sa fiancée Adriana Trentini ou encore le Milanais communiste Bruno Malnate, un ami d'Alberto, pour disputer un tournoi de tennis. Exclus du club de la ville en raison de leur judéité, la fille et son fragile cadet évitent encore davantage à s'aventurer au-delà de l'enceinte qui entoure leur magnifique jardin. La fougueuse et volontiers imprévisible Micòl et Giorgio, bien qu'issus de milieux différents, entretiennent une amitié et une chaleureuse complicité depuis leur enfance. Alors qu'ils vont l'un et l'autre, si les circonstances le permettent, passer leur thèse universitaire, lui espère voir cette relation se transformer en amour, elle se montre soudainement froide et distante.
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Tragédie dissimulée sous les apparences d'un drame sentimental**, Il Giardino dei Finzi-Contini a conservé malgré les années (près de quarante ans) l'essentiel de sa force et de sa singularité initiales. D'abord parce qu'il constitue l'un des rares films à suggérer aussi finement la dualité de l'expérience fasciste, issue de la cohabitation entre un parti peu crédible mais résolument dictatorial et un état encore très influencé par la précédente monarchie constitutionnelle. Ensuite parce qu'avec cette production commanditée notamment par l'Allemand Artur Brauner (Europa Europa), Vittorio De Sica rompt avec les productions commerciales mais aussi un peu plus avec le néoréalisme, dont il a longtemps été le chantre, pour livrer une œuvre nostalgique (à l'esthétique quasi viscontienne) d'une profonde gravité. Il Giardino dei Finzi-Contini, écho symbolique au jardin primordial de l'Ancien Testament, apparaît en effet comme le témoignage lyrique, la chronique de la fin d'un monde annoncée***, époque où la perte des repères, des sentiments et des fausses illusions ou encore l'exclusion et la trahison ne sont que les blessures et symptômes particuliers d'une pathologie plus vaste et insidieuse. Le film sait adroitement tirer parti de certains de ses dialogues, en particulier celui, admirable, entre Giorgio et son père sur les vertus du désespoir et sur l'impressionnante et climatique photographie d'Ennio Guarnieri, futur collaborateur de Franco Zeffirelli.
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*en raison de la persistante surestimation de l'anti-fascisme italien et de la Résistance française.
**illustré musicalement par "I'm Getting Sentimental Over You" composé par Ned Washington et George Bassman.
***le film s'ouvre sur un prophétique "non c'è nessuno (il n'y a personne) ?"




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