vendredi 2 mai 2008

My Enemy's Enemy (mon meilleur ennemi)


"Moi, j'ai oublié. S'ils n'ont pas oublié eux, c'est une autre question."

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Entre deux films de fiction(1), Kevin Macdonald revenait l'année dernière à ses premières amours, le documentaire. Et comme ce sentiment n'est jamais très éloigné de son antonyme, le talentueux cinéaste écossais choisissait "Le Boucher de Lyon"(2) pour sujet de cette production montée aux côtés de Rita Dagher (collaboratrice de Michael Moore et déjà à l'origine du connexe L'Avocat de la terreur). Après l'expulsion vers la France de Klaus Barbie en 1983 suivi de son procès en mai-juillet 1987(3), la sortie en 1988 d'Hôtel Terminus, oscarisé l'année suivante, de Marcel Ophüls et des quelques ouvrages consacrés à cette époque et/ou à ce sinistre personnage, il n'était pas inutile de revenir sur cette page d'histoire. En particulier celle qui s'ouvre après la guerre et va durer presque quarante ans.
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Car ce qui intéresse Kevin Macdonald, ce n'est pas tant les abominables forfaits accomplis dans et autour de la capitale des Gaules et récusés avec obstination par le criminel de guerre et contre l'humanité. La période allant de l'enfance (précoce : espion au sein de sa classe pour les nazis dès 1933) de ce dernier à la Libération est en effet traitée en un quart d'heure. La question essentielle posée par My Enemy's Enemy, soulignée par le titre lui-même, consiste à essayer de comprendre comment cet officier nazi, lieutenant local de la gestapo, a d'abord pu échapper au Procès de Nuremberg puis si longtemps aux poursuites permettant par exemple la capture d'Adolf Eichmann(4) (voir à ce propos les documentaires réunis dans Les Dossiers secrets du nazisme).
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Les nombreux intervenants, historiens, victimes et témoins, journalistes, membres ou ex-membres de l'administration US mettent rapidement en évidence la complicité, comme hier et aujourd'hui au nom de prétendus valeurs ou intérêts communs, des services de renseignements étasuniens. Mais aussi, et de manière plus inattendue, celle des autorités françaises dont la perfidie n'apparaît pas moins choquante que la duplicité de Barbie. Le second axe intéressant de réflexion que propose My Enemy's Enemy concerne la mesure de l'influence qu'ont exercé les nazis réfugiés en Amérique latine et leurs méthodes sur l'émergence des multiples dictatures militaires dans le sous-continent.
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1. le précédant étant toutefois inspiré par un personnage réel.
2. notons au passage le caractère génétique du cynisme chez les Barbie puisque la fille du funeste tortionnaire récuse le terme en question, à moins qu'il ne s'agisse d'une preuve formelle de son manque de subtilité sémantique, ce vocable n'étant évidemment pas réservé aux seuls professionnels pour lesquels Boris Vian a composé un fameux tango.
3. précédant ceux de Paul Touvier et de Maurice Papon.
4. sans évoquer l'incroyable longévité d'un Josef Mengele ou la mort énigmatique d'un Martin Bormann.

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