mardi 11 mars 2008

La Piscine


"... On a toujours une préférence, même pour les choses qui ne valent rien."

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Avec ce septième long métrage, Jacques Deray s'éloigne un peu, sans l'abandonner tout à fait, du polar, son genre de prédilection. Plus que le scénario original, signé par un désormais illustre inconnu, c'est Alain Delon qui doit constituer l'argument essentiel du film. Il n'est pas impossible que l'intention de l'ancien assistant de Gilles Grangier ait été, comme Jean Gabin pour celui-ci, de faire de l'acteur vedette de Visconti ou de Jean-Pierre Melville son interprète fétiche. Les deux hommes tourneront d'ailleurs ensemble, après cette première collaboration, à huit autres reprises jusqu'en 1994. Mais Deray ne savait probablement pas, en s'attaquant à ce projet(1), qu'il disposerait en réunissant à l'affiche, dix ans après le Christine de Pierre Gaspard-Huit, le couple Schneider-Delon, de l'atout ultime susceptible de donner à La Piscine son statut de classique du cinéma français(2).
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Jean-Paul et Marianne coulent de rayonnantes et paisibles vacances d'été dans la superbe propriété, située sur les hauteurs de Saint-Tropez, prêtée par un couple d'amis. Seuls, à l'exception de la discrète Emilie chargée pendant la journée des tâches ménagères, ils peuvent donner libre cours, à l'abri de l'affluence du littoral, à leur fiévreuse passion. Ce matin-là, Marianne reçoit un appel téléphonique de son ami Harry, en villégiature dans le Midi avec sa fille avant de se rendre à Milan. La jeune femme se réjouit de le revoir ainsi que de rencontrer Pénépole, âgée de dix-huit ans et vivant habituellement avec sa mère à Lausanne, dont elle et Jean-Paul ignoraient jusque-là l'existence. Marianne les invite à passer quelques jours avec eux. Les retrouvailles entre Jean-Paul et Harry, qui se connaissent depuis l'adolescence, se révèlent moins enthousiastes. Le romancier raté, reconverti dans la publicité, n'apprécie guère les critiques à peine voilées du patron très aisé d'une maison de disques qu'il soupçonne d'avoir été l'amant de Marianne et chez lequel il a rencontré son actuelle compagne un peu plus de deux ans plus tôt. Il n'est en revanche pas insensible au charme nubile de la jolie Pénépole. Un soir, après être descendu en ville, Harry ramène avec lui un groupe d'"amis" qu'il a conviés à une fête improvisée.
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La bienveillance, voire au-delà, qui s'exprime généralement à propos de La Piscine possède quelque chose d'intrigant. Sorti quelques jours seulement après La Femme infidèle de Claude Chabrol (dans lequel Maurice Ronet tenait le rôle de l'amant), ce long film semble chercher, parfois maladroitement, à installer davantage un climat qu'une véritable histoire. Jacques Deray s'y attache avec une évidente indolence, d'abord sensuelle puis plus abstractive. La double (Jean-Paul/Harry mais aussi, plus discrète Pénélope/Marianne) rivalité amoureuse sur laquelle repose le scénario, dans laquelle un antagonisme lié à la réussite professionnelle et une rancune filiale vont servir de catalyseurs, ne réussit pas en effet à apporter au film la puissante vigueur dramatique attendue. Même le thème secondaire de la rechute du personnage central, vieil adolescent materné par son amante et réprimandé par son ami, reste, sans logique, comme en suspens.
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Aucune des vénéneuses fleurs anglo-normandes du plus tardif Eaux profondes de Michel Deville ne parviennent, par exemple, à pousser sur le terreau provençal de La Piscine. Si l'on a prêté au couple Schneider-Delon, reformé pour l'occasion(3), de constituer l'intérêt primordial et d'apporter sa "vraisemblance" au film, si l'on apprécie la présence éthérée de Jane Birkin dans son premier rôle significatif au cinéma, c'est encore l'interprétation de Maurice Ronet, le partenaire de "la plus belle gueule du cinéma français" à cette époque dans Plein soleil(4), qu'il faut à nouveau souligner. Le seul acteur principal aux yeux sombres demeure assurément le vecteur primordial de la noirceur du film.
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1. le rôle de Marianne devait initialement être confié à Angie Dickinson.
2. au titre duquel le film mériterait une note légèrement plus élevée.
3. leur liaison "à la ville" a pris fin en 1964, Schneider ayant depuis épousé l'acteur allemand Harry Meyen (Harry ?!!)
4. tiens, un autre film tiré d'un roman de Patricia Highsmith !

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