samedi 16 février 2008

Sophie's Choice (le choix de sophie)


"Ah, la vérité... je ne sais même pas ce qu'est la vérité."

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Seul roman de William Styron, lauréat du "Prix Pulitzer" 1968, porté à l'écran(1), Sophie's Choice, publié en 1979, a très tôt intéressé Alan J. Pakula. Cette tragique histoire a en effet dû trouver une résonance particulière chez ce cinéaste d'origine polonaise né dans le Bronx, dont les talents d'adaptateur sont reconnus. Onze ans avant Schindler's List de Steven Spielberg, cette première co-production de Keith Barish demeure l'un des films les plus contrastés, distanciés et déconcertants sur ce que les anglo-saxons nomme l'Holocauste. Cité dans cinq catégories des Academy Awards 1983, Sophie's Choice permit à Meryl Streep d'ajouter à son récent "Golden Globe" un bien justifié second "Oscar" d'interprétation(2).
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En cet été 1947, 'Stingo' arrive à New York en provenance de son Sud natal et loue une chambre chez Mme Yetta Zimmerman à Brooklyn. Le jeune homme de vingt-deux ans compte profiter de cet exil choisi pour écrire son premier roman. Il fait aussitôt la connaissance de Sophie Zawistowski et Nathan Landau, devenant très vite l'ami et le témoin privilégié de ce couple uni par une relation passionnée et extravagante. Catholique née en Pologne, Sophie est une rescapée du camp d'Auschwitz qui doit à son amant d'avoir retrouvé le goût à la vie. Juif, biologiste diplômé d'Harvard et chercheur aux laboratoires Pfizer, Nathan est un personnage à la fois cultivé, attentionné et lunatique. Pendant les absences de ce dernier, Sophie se confie volontiers, évoquant notamment son passé, à 'Stingo', secrètement amoureux de sa fragile et tendre aînée. Un après-midi, Nathan demande à lire un extrait du manuscrit de son ami et, face à son refus obstiné, finit par le lui dérober.
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Alan J. Pakula a su donner, avec beaucoup de pudeur et d'intelligence, une vibration très singulière, presque convulsive, à cette collision de drames intimes qu'est Sophie's Choice. La construction narrative parfaitement maîtrisée du film, constituée de flash-back dans lesquels la mémoire remonte toujours plus loin pour révéler le trauma fondamental, y jouant un rôle essentiel. Récit d'un étrange rite de passage, ouvertement autobiographique, pour un jeune écrivain, il constitue aussi et surtout une poignante exploration de l'amour et du secret où se croisent civilisation, survivance et mort. Le producteur de To Kill a Mockingbird y retrouve également le thème de la paranoïa qu'il a illustré dans sa trilogie refermée avec All the President's Men. Conscient de la charge émotionnel(3) de son sujet, Pakula choisit de la modérer par une certaine effervescence festive et grâce à la coloration de la bande originale de Marvin Hamlisch. Sophie's Choice s'inscrit dans cette lignée d'œuvres remarquables allant d'Il Giardino dei Finzi-Contini à Europa Europa en passant par le téléfilm Playing for Time. Aux côtés des débutants au cinéma qu'étaient alors Kevin Kline et Peter MacNicol, c'est évidemment la délicate composition de Meryl Streep(4), interprète de la récente série Holocauste, qui retient l'attention et suscite l'admiration.
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1. l'épisode de la série Playhouse 90 réalisé en 1958 par Delbert Mann et Shadrach de Susanna Styron, la fille de l'auteur, sont tirés de courtes histoires.
2. après celui obtenu en 1980 pour son rôle de soutien dans Kramer vs. Kramer.
3. "The film is so emotional - the film is about such horror - that it runs the great danger of becoming emotional pornography" disait Pakula dans une interview de 1985.
4. Styron aurait pensé à Ursula Andress, Natalie Wood aurait été pressentie et Magda Vásáryová initialement retenue pour le rôle de Sophie.

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