lundi 18 février 2008

La Maison


"Peut-être parce qu'on a pas réglé nos problèmes d'enfance."

 - film - 45718_2
Dans le classique et un peu vain antagonisme opéré entre cinéma commercial et d'auteur*, on fait peu de cas du cinéma artisanal. Un peu comme si, pour utiliser une métaphore, il n'existait pas de (savoureuse) cuisine-maison au milieu du fast-food et de la gastronomie des chefs. Manuel Poirier figure parmi les dignes représentants de ces cinéastes au savoir-faire reconnu mais qui n'offrent pas pour autant de "produits" stéréotypés. Avec La Maison, l'ancien ébéniste devient en quelque sorte l'architecte et le maçon d'une histoire simple mais touchante, employant un matériau sensiblement identique à ceux qui ont servi à bâtir la plupart de ses ouvrages antérieurs.
 - film - 45718_3
Père de trois jeunes enfants et récemment séparé de leur mère, Malo essaie, sans y parvenir vraiment, à donner un nouveau sens à son existence. Lorsqu'il quitte la petite imprimerie dont il est le propriétaire, il aime rester chez lui à écouter des chansons ou sortir avec son copain Oscar et le couple ami Rémi et Nathalie. Un dimanche, Malo et ces derniers retournent à Paris en voiture après une soirée chez des amis à la campagne. En chemin, Rémi, attiré par la faible mise à prix d'une maison dont la prochaine vente par adjudication est annoncée par une affichette, décide de se rendre sur place. Lui et Malo pénètrent, en toute illégalité, à l'intérieur de la demeure et la visitent sommairement. Dans un carton, Malo trouve une lettre adressée à son père par une petite fille prénommée Cloé, alors en vacances. Inquiété par un bruit de véhicule, il l'emporte à contre-cœur avec lui. Embarrassé par son geste inconscient, il trouve le nom et le numéro de téléphone des cédants contraints de la maison, Cloé et Laura Jordan. Malo propose un rendez-vous à la première mais celle-ci, occupée par ailleurs, demande à sa sœur, mère célibataire d'un petit garçon, de s'y rendre à sa place.
 - film - 45718_6
"Il y a un autre cinéma, qui s'intéresse à l'émotion, à l'expression d'une sensation intérieure, personnelle." affirmait Manuel Poirier dans une interview au mois d'août dernier. Une phrase qui décrit assez bien l'esprit de ce huitième long métrage de fiction et, en grande partie, ceux qui l'ont précédé. Drame de la séparation et de l'abandon, blessures non cicatrisées de l'enfance, errance qui aspire au repos et trouble avec remise en question, à la fois mélancolique et nostalgique, au passage du point de non-retour de l'existence forment les pierres et le ciment de cette Maison intimiste au charme indéniable. On peut, certes, ne pas apprécier la spontanéité, le caractère quasi viscéral et les petites maladresses du cinéma de Poirier. Mais comment ne pas louer sa simplicité (une authentique qualité) et sa sincérité ? Au-delà de la dimension sentimentale, à la connotation légèrement incestueuse**, de son film, le cinéaste né au Pérou illustre à sa façon l'ancienne et toujours vivace interrogation dialectique : la mémoire est-elle ou non associée à un lieu ? Il ébauche puis délaisse cependant quelques intéressantes pistes narratives et néglige ou accessoirise un peu trop aussi certains de ses personnages secondaires. Sa Maison mérite néanmoins que l'on y fasse étape.
___
*où l'on feint d'oublier bien souvent que ces catégories se recoupent parfois.
**Cloé n'est-elle pas l'image projetée de la fille de Malo comme celui-ci se substitue d'une certain manière au père de la jeune femme ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire