jeudi 6 décembre 2007

Tanin no kao (le visage d'un autre)


"Seriez-vous plus intéressé par le retour que par le départ ?"

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Troisième et pénultième* adaptation d'un ouvrage, paru en 1964, de Kôbô Abe, Tanin no kao reste, malgré le réalisme formel qu'affiche son intrigue, le plus énigmatique et le plus sombre opus de cette série. Le roman et le film sont d'ailleurs contemporains au Yeux sans visage de Georges Franju avec lequel ils partagent une situation de départ très comparable mais qui se situe dans un registre et une esthétique sensiblement différents. La présence de Tatsuya Nakadai, à l'affiche la même année du remarquable chambara Dai-bosatsu tôge, constitue évidemment pour ce très bon drame psychologique un attrait supplémentaire.
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Affreusement brûlé au visage, Okuyama ne se résout pas à retirer les bandages qui le dissimule. Cette situation, particulièrement délicate à vivre, est également à l'origine de la nette dégradation qu'il perçoit dans sa relation avec son épouse. Pendant un congé obtenu sans difficulté de la part de son employeur, Okuyama presse son médecin, le dr Hori, de tenter de lui donner un nouveau visage. Celui-ci, d'abord réticent, accepte de lui confectionner un masque très perfectionné contre la promesse de tout connaître de la nouvelle existence de son patient. Okuyama loue un appartement, demande à son patron un changement d'affectation à son retour de vacances et s'absente de chez lui une semaine pour un prétendu voyage d'affaires. A peine muni de son masque, Okuyama peut se rendre à visage découvert dans une taverne en compagnie du dr Hori. Mais il lui tarde d'expérimenter seul sa nouvelle apparence.
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Fable philosophique et morale, Tanin no kao apporte un nouveau prolongement à cette thématique de l'obsession et de l'identité chère à Kôbô Abe. Ce jeu de dupes qui se retourne contre ses artisans ("il ne faut pas se fier aux apparences" dit l'homme, "mais il faut les respecter" répond la femme) croise aussi, incidemment pourrait-on dire, celui de la monstruosité (physique et morale)** et l'étrange destin d'une jeune femme, partiellement défigurée dans son cas, convaincue du déclenchement imminent de la guerre. Certes moins fantastique dans sa définition que le Onibaba de Kaneto Shindô, Tanin no kao, bercé par la jolie valse composée par Tôru Takemitsu***, n'en est pas moins ensorcelé et ensorcelant.
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*avant Moetsukita chizu que l'on aimerait voir également édité en vidéo.
***qui rappelle un peu celle de Dmitri Chostakovitch dans sa "Suite pour orchestre de jazz n° 2".

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