mercredi 20 juin 2007

El Laberinto del fauno (le labyrinthe de pan)


"Et ainsi, chaque soir, la rose se fanait sans jamais faire profiter quiconque de son pouvoir, oubliée et perdue en haut de cette montagne de pierres froides, seule jusqu'à la fin des temps."

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Difficile de ne pas voir en Guillermo del Toro l'un des cinéastes les plus intéressants de la décennie écoulée. Avant tout parce que chacun des six longs métrages du réalisateur mexicain, quelles que soient leurs forces et faiblesses, a apporté une contribution personnelle et significative au cinéma de genre. Celle d'El Laberinto del fauno est incontestablement la plus marquante, le film étant aussi, à ce jour, le plus abouti de sa carrière. En compétition pour la "Palme d'or" 2006, il a remporté trois "Oscars" techniques au cours de la dernière édition des "Academy Awards".
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«Espagne 1944. La guerre civile est terminée. Cachés dans les montagnes, des groupes armés continuent de combattre le nouveau régime fasciste qui cherche à les étouffer.» Ofelia et sa mère Carmen arrivent dans la grande demeure campagnarde, adossée à un moulin, où réside le capitaine Vidal, le nouveau mari de Carmen dont elle attend un enfant, avec sa garnison de l'armée franquiste. Dans le bois derrière la bâtisse, la jeune fille, passionnée par la lecture, découvre presque aussitôt un labyrinthe en suivant un étrange insecte qu'elle prend pour une fée. Elle se confie volontiers à Mercedes, qui fait office de gouvernante auprès du capitaine.
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Au cours de la première nuit, pendant que le capitaine Vidal exécute sommairement deux chasseurs pris pour des résistants républicains, le mystérieux arthropode pénètre dans la chambre d'Ofelia et de sa mère. Son extraordinaire capacité à se métamorphoser convainc celle-là de le suivre à nouveau vers le labyrinthe. Au bas d'un escalier s'enfonçant profondément dans le sol où se dresse une insolite statue, elle rencontre un faune qui voit en elle Moana, la fille de Bezmorra le roi du monde des abîmes, égarée parmi les humains depuis des temps immémoriaux. Pour s'assurer des vertus et de l'immortalité de la princesse, le fabuleux personnage lui propose de la soumettre à trois épreuves avant la formation de la pleine lune.
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Sous les apparences illusoires d'un conte de fées destiné aux adultes, El Laberinto del fauno est une œuvre sombre, paradoxalement désenchantée, parfois violente mais superbe. En arrière-plan de cette antithèse au célèbre "Alice's Adventures in Wonderland" de Lewis Carroll s'esquisse l'influence des légendes antiques et de la mythologie lovecraftienne dont Guillermo del Toro a dû être l'auditeur et le lecteur. Le franquisme sert encore une fois, après El Espinazo del diablo, de toile de fond à cette fantastique et douloureuse fuite dans l'imaginaire et de sacrifice de l'innocence. La figure du père, tour à tour perdu, redoutable ("caudillo") et rêvé, apparaît au centre de ce récit où s'affrontent symboliquement christianisme et paganisme. Une filiation avec l'excellent El Espiritu de la colmena de Victor Erice peut d'ailleurs être soulevée et argumentée.
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Conteur talentueux, Guillermo del Toro est aussi un remarquable metteur en scène. Dans El Laberinto del fauno, fantasmagorie et réalisme, beauté et laideur, douceur et brutalité alternent avec pertinence autour des deux niveaux de narration synchroniques. Il faut enfin souligner la qualité des interprètes de cette tragédie polymorphe, en particulier les prestations de la jeune Ivana Baquero, de son aînée Maribel Verdú (aperçue dans Y tu mamá también d'Alfonso Cuarón qui coproduit le film) et de l'étonnant Sergi 'Harry' López.

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